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Handicap dans les médias audiovisuels : quelle représentation ?

Le handicap n’est pas suffisamment présent dans les médias audiovisuels en France. Or, la représentation des personnes en situation de handicap à la télévision ou au cinéma participe à une meilleure connaissance de la différence et une juste place des individus dans la société. Le sujet a été abordé à l'occasion de l'Université du réseau des référents handicap (URRH) de l’Agefiph les 29 et 30 mars 2022 à Lille. On fait le point avec Éric de Léséleuc, professeur de sociologie et Éric Lartigau, réalisateur.

Le handicap dans les médias audiovisuels

Les personnes en situation de handicap sont sous-représentées à la télévision (0,6% des individus). C’est un des constats du rapport d’activité 2021 du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)* qui souligne toutefois les efforts réalisés dans les fictions (69 % des personnes comme perçues en situation de handicap le sont dans des fictions).

« Depuis plus de 30 ans, malgré les lois sur le handicap, il n’est pas suffisamment représenté dans les médias et à la télévision, déplore Éric de Léséleuc, professeur de sociologie à l'Institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INSHEA). Cela a changé dans les années 2000 avec la médiatisation des jeux paralympiques. Pour autant, le handicap reste encore trop souvent présenté sur le volet de la performance, avec une mise en avant du handicap moteur, visible et plus médiatisé que le handicap mental ou d’autres pathologies. »

Quelles sont les obligations des médias ?

L’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication précise que l’Arcom veille « à ce que la programmation reflète la diversité de la société française », ce qui inclut les personnes en situation de handicap. L’instance ne peut pas contraindre les chaînes ou imposer des quotas, mais évalue la situation au moyen du baromètre de la représentation de la société française. Le handicap à l’écran participe à une meilleure représentation de la société française, dans son pluralisme et sa diversité. D’où la nécessité de le montrer sur toutes les chaînes de la TNT et dans les productions cinématographiques.

Pour améliorer la représentation du handicap dans les médias audiovisuels, il existe depuis 2019 une Charte relative à la représentation des personnes handicapées et du handicap dans les médias audiovisuels. Les éditeurs de services s’engagent à renforcer la présence des personnes handicapées, quel que soit le programme (information, fiction, divertissement) ou le handicap. Sur un plan qualitatif, ils doivent faire intervenir des personnes handicapées sur d’autres sujets que le handicap, ou en mettant en avant dans des fictions des personnages handicapés sans que l’intrigue ne tourne autour de leurs handicaps.

Montrer le handicap tel qu’il est

« Le handicap est souvent présenté de manière spectaculaire, poursuit Éric de Léséleuc, notamment avec les performances de personnalités comme le mannequin et athlète handisport américain Aimee Mullins, la chanteuse britannique Viktoria Modesta, amputées d’une jambe et dont le discours consiste à dire : « Regarder moi avec mon handicap, je suis exceptionnelle ». 

À l’inverse, la journaliste et comédienne Stella Young disait dans une conférence TED qu’elle ne voulait pas être une source d’inspiration du fait de son handicap (« inspiration porn**»), mais voulait être considérée pour elle-même. C’est évidemment le souhait d’un grand nombre de personnes en situation de handicap. Il reste beaucoup à faire en matière de formation et de sensibilisation au handicap dans les écoles de journalisme, pour considérer les personnes handicapées comme des sujets et non pas comme des objets. »

*Depuis le 1er janvier 2022, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) est devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). 

** Inspiration porn : représentation des personnes handicapées en tant que source d’inspiration, exclusivement, ou en partie sur la base de leur handicap. 

« Si on en parlait plus, le handicap ferait moins peur » Éric Lartigau, réalisateur de nombreux films dont « La famille Bélier » en 2014. Adapté aux États-Unis sous le titre « Coda », il a reçu l’oscar du meilleur film en mars 2022. « J’ai grandi avec l’idée que la différence n’était pas un problème. J’avais une cousine sourde, un copain en surpoids que je défendais contre la bêtise des camarades qui se moquaient de lui. J’ai toujours parlé de handicap à mes enfants parce que ça me paraissait évident de le faire. Quand j’ai proposé le scénario de la famille Bélier, certains patrons de chaînes ont eu d’horribles remarques du type : « le handicap, ça n’intéresse pas les gens ». Moi je croyais au film et ça a été un énorme succès. C’est par l’éducation, le cinéma, les documentaires qu’on peut éveiller les consciences. C’est en parlant du handicap, de la maladie, partout et sans tabou que les gens trouvent leur place à l’école, au travail. Les médias doivent participer à cela en s’impliquant davantage et en évitant par exemple de diffuser des contenus intéressants sur la différence ou le handicap à minuit. Il reste du chemin à parcourir, mais je reste optimiste ! »

L'Agefiph a choisi d'approfondir ce sujet dans le cadre de l'Activ'box "Handicap et culture" sortie en juin dernier. Pour la recevoir, vous pouvez contacter votre correspondant via le lien ci-dessous. L'Activ'box "Handicap et Culture" sera prochainement en ligne sur le site Activateur de progrès, en attendant vous pouvez consulter toutes les autres Activ'box. Pour rappel, l'Activ box est une solution clé en main et personnalisable pour sensibiliser les collaborateurs de l'entreprise aux différents types de handicap, tout au long de l'année.

Publié le 30 juin 2022