Une champignonnière bio et un café-épicerie pour valoriser les compétences des personnes déficientes visuelles
Un nouvel élan, une nouvelle image
A Strasbourg, la Fédération des aveugles Alsace Lorraine Grand-Est œuvre depuis près d’un siècle à l’insertion professionnelle des personnes aveugles et malvoyantes. Cet accompagnement passe notamment par deux structures, un Esat et une entreprise adaptée, qui emploient 140 personnes présentant principalement une déficience visuelle. Longtemps tournée vers des métiers artisanaux tels que la fabrication de balais et de brosses et le cannage-rempaillage de chaises et de mobiliers, l’association a progressivement diversifié ses activités en créant un atelier de conditionnement de produits de papeterie ou d’hygiène et en se spécialisant dans la signalétique. Plus récemment, elle a souhaité donner un nouvel élan et une nouvelle image à son organisation. « Notre ambition est de nous positionner sur de nouvelles activités plus innovantes, plus inclusives, favorisant à la fois la montée en compétences des personnes que nous accompagnons et la transition vers l’emploi ordinaire », explique Anne-Gaëlle Bartos, directrice adjointe de la Fédération, qui se présente désormais sous la marque C’Cité. Le projet de transformation, principalement tourné vers la restauration et la promotion des circuits courts, s’inscrit dans un concept global baptisé « Le Licht ! » - qui signifie « la lumière » en alsacien –, mais qui, paradoxalement, plonge ses racines dans les profondeurs d’un sous-terrain proche de la gare de Strasbourg.
Un tremplin vers l’emploi
Dans les années 1870, l’armée allemande utilisait ce bunker de 250 m2 pour y stocker des munitions. En 2017, un ingénieur en génie climatique et un agronome y ont trouvé l’environnement idéal pour développer un projet de ferme urbaine souterraine spécialisée dans la culture de champignons bio. Leur start-up, baptisée Cycloponics, y a développé une production de pleurotes et de shitakés, une variété de champignons très utilisée dans la cuisine asiatique. Ainsi est né le Bunker comestible dont les initiateurs ont par la suite décidé de transporter le concept dans le XVIIIe arrondissement de Paris où leur culture se déploie aujourd’hui dans un parking sous-terrain de 3 500 m2 ! « Nous avons repris le Bunker comestible à l’été 2021 dans l’idée d’y former des personnes déficientes visuelles. Nous y voyons une bonne première approche du maraîchage », explique Anne-Gaëlle Bartos. Nettoyage, paillage, cueillette, manutention : les tâches quotidiennes sont facilement accessibles pour des personnes malvoyantes et le toucher y tient une part importante, notamment pour s’assurer de la maturité des champignons. Quatre personnes y travaillent aujourd’hui, sous la direction d’un responsable d’atelier. L’environnement de travail a été totalement réaménagé et adapté. L’entretien de la champignonnière, dont la production hebdomadaire avoisine les 200 kg, n’occupe qu’une partie de la journée, mais les membres de l’équipe assurent également la préparation des commandes et les livraisons chez des restaurateurs et dans certains magasins bio du centre de Strasbourg. Le Bunker comestible a vocation à devenir un tremplin vers l’emploi. La Fédération espère y former une quinzaine de personnes chaque année en vue de les orienter vers des entreprises de maraîchage, nombreuses dans la région.
Donner à voir des savoir-faire et des compétences
La champignonnière, qui rencontre un certain succès médiatique du fait de l’originalité et du caractère innovant du concept, est la première pierre du projet « Le Licht ! » qui verra naître, fin 2022, un café-épicerie du même nom au centre ville de la capitale alsacienne. Pensé lui aussi comme un lieu de transition, il sera tenu et géré par des personnes aveugles et malvoyantes et proposera des produits et une offre de petite restauration concoctés à partir d’ingrédients issus de l’agriculture biologique et des circuits courts. Le lieu intègrera une « salle dans le noir » où seront organisés de événements, des expositions et des dégustations dans un objectif de sensibilisation du grand public à la déficience visuelle. Il sera également équipé d’une cuisine entièrement adaptée aux personnes aveugles et malvoyantes. Murs aux couleurs contrastés pour faciliter le repérage, coins arrondis, appareils électroménagers à commande vocale : véritable laboratoire inclusif, cet espace servira tout à la fois de lieu de travail, d’apprentissage et de sensibilisation. Largement revisitée, l’activité traditionnelle de brosserie de la Fédération trouvera également sa place avec la création d’un atelier artisanal animé par une designeuse. « L’enjeu est de donner de la visibilité aux personnes aveugles et malvoyantes, de leur permettre de travailler au contact du public et de mettre en lumière leurs savoir-faire et leurs compétences pour donner envie à des employeurs de les accueillir dans leur entreprise », insiste Anne-Gaëlle Bartos.
TÉMOIGNAGE
Anne-Gaëlle Bartos, directrice adjointe « Notre ambition est de donner une autre image du handicap visuel »
« Notre ambition autour de C’Cité est de sortir les personnes aveugles et malvoyantes des activités qui leur sont traditionnellement assignées, de leur donner envie d’avancer, de leur permettre de monter en compétence et de les conduire vers des secteurs d’activités porteur. Il s’agit aussi de donner une autre image du handicap visuel en travaillant avec des chefs de cuisine, des créateurs, des YouTubers… »
FICHE D’IDENTITÉ
Entreprise : C’Cité (Fédération des aveugles Alsace Lorraine Grand-Est)
Activité : entreprise adaptée
Région : Grand Est
Effectif : 140
Effectif TH : nc
Contact : Anne-Gaëlle Bartos, directrice adjointe - bunkercomestible@lelicht.fr
Mise à jour : 22/03/2022
FICHE TECHNIQUE
Nombre de personnes handicapées concernées : 4
Type de handicap : visuel
Aménagements
- techniques : oui
- organisationnel : oui
- formation : oui
Financements : nc
Partenaires : nc