Témoignage Entreprise

Un artisan crée une activité de taille de pierre pour son ancien maçon devenu paraplégique

À Chatelus (Loire), Vincent Blanchard a remué ciel et terre pour réussir la reconversion de Pascal, son salarié, devenu tailleur de pierre après 7 mois de formation.


L'expérience

Fiche rédigée le 02/03/10

Paraplégique suite à une grave chute

En 2000, Vincent Blanchard et son épouse créent une entreprise de maçonnerie à Chatelus (Loire), près de Saint-Etienne. Dans la région, le travail ne manque pas pour un artisan, notamment dans le domaine de la rénovation de maisons anciennes. Quelques temps plus tard, le couple rachète l’entreprise d’un entrepreneur local partant à la retraite pour s’assurer les compétences de son équipe. Tout se présente au mieux jusqu’à l’accident de Pascal, l’un des six salariés de Vincent : une chute, en dehors de son activité professionnelle, le rend paraplégique. « Son entourage, les médecins, lui-même, tout le monde était persuadé qu’il n’avait plus aucun avenir dans le métier, raconte Vincent Blanchard, qui lui rend visite chaque semaine, à Lyon, durant ses 5 mois d’hospitalisation. Pour ma part, j’étais convaincu qu’il y avait quelque chose à faire et j’en ai fait un projet personnel. »
Dès lors, le jeune entrepreneur multiplie les contacts, les visites d’entreprises à la recherche d’une solution pour finalement proposer à son salarié plusieurs possibilités de reclassement : conduite d’engin, de grue, travail en atelier. Pascal n’est pas convaincu, mais il confie à son employeur une idée qui lui tient à cœur : « J’aimerais devenir tailleur de pierre. »

7 mois de formation dans l’Isère

Durant plusieurs semaines, Vincent Blanchard étudie le projet, analyse le marché, contacte des professionnels, évalue les difficultés techniques. Chaque jeudi, il fait le point avec Pascal et finit par se convaincre que l’activité serait viable. À côté de son activité de maçonnerie, il décide de se spécialiser dans la taille de pierre traditionnelle. Son premier contact avec le Sameth, pour envisager une démarche de maintien dans l’emploi, le laisse dans l’incertitude : « Cette reconversion paraissait tellement énorme que mon interlocuteur s’est tout d’abord montré très sceptique. » Mais le souhait de réorientation de Pascal, la détermination du jeune chef d’entreprise et le dossier complet qu’il constitue finissent par convaincre. Après sa sortie de l’hôpital, Pascal est envoyé en formation pendant 7 mois dans un centre spécialisé de l’Isère. Parallèlement, une étude est réalisée avec un ergonome pour préparer le futur poste de travail : aménagement d’un cheminement pour accéder à l’atelier, création d’un local chauffé, définition du matériel adapté et de l’outillage nécessaires. « Là encore, nous avons rendu visite à des tailleurs de pierre, réalisé des vidéos pour analyser les gestes, observé Pascal pendant sa formation. Puis le projet a été validé par le Sameth et le médecin du travail. »
Le 1er octobre 2009, Pascal, qui a fait preuve d’une impressionnante détermination pendant son stage  attaque son premier bloc de pierre dans son nouvel atelier de Chatelus.

Mobilisation autour de Pascal

« Pendant l’année 2009, j’ai peut-être passé 50 % de mon temps sur ce projet, confie Vincent. C’est un choix personnel, que j’assume totalement et dont je ne veux tirer aucune gloire. Ce qui m’importe, c’est la réussite du projet, humainement, techniquement et économiquement. »

Le Sameth, la médecine du travail et l’ergonome apportent leur caution pour obtenir les financements. Si la formation elle-même est prise en charge par le Fongecif, l’Agefiph apporte son soutien pour l’hébergement dans l’Isère, puis l’aménagement du poste de travail à Chatelus : acquisition d’une table élévatrice, d’un palonnier pour manipuler les blocs de pierre pouvant dépasser la tonne, outillage divers. « Habituellement, les tailleurs de pierre travaillent en extérieur, précise Vincent Blanchard. Mais à cause de ses jambes paralysées, Pascal doit travailler dans un local chauffé. Il a donc fallu aussi prévoir l’installation d’un système de chauffage et un système d’extraction des poussières. »  

L’entreprise participe elle aussi au financement. « Les aides que nous percevons de  l'Agefiph ne concernent que les dépenses liées à la compensation du handicap. Tout ce qui relève de l’investissement reste à notre charge », détaille le jeune entrepreneur.

Une stratégie bien définie

Sculptures diverses, éléments d’ameublement en pierre, tables basses, enseignes, objet de décoration… Dans l’atelier de Chatelus, les créations de Pascal s’accumulent petit-à-petit. Le tailleur de pierre, qui travaille pour l’instant en mi-temps thérapeutique, teste son savoir-faire avec l’aide et les conseils de Vincent. Son installation est provisoire car l’outillage spécifique est en attente de livraison. « Pascal n’est pas encore en phase de production à proprement parler et nous n’avons pas encore communiqué en direction de la clientèle. Pour l’instant, nous nous constituons une vitrine. Quand nous serons prêts, d’ici le printemps 2010, nous organiserons une journée portes ouvertes et lancerons réellement l’activité » .
Dans l’esprit de Vincent Blanchard, la stratégie est très claire : « Il y a 9 000 tailleurs de pierre en France. Beaucoup travaillent pour les monuments historiques. Nous ne serions pas compétitifs sur ce terrain. Nous visons une clientèle de particuliers sur des pièces artisanales unique de petite ou moyenne taille. Je suis convaincu qu’il y a un vrai potentiel commercial dans ce domaine. »

Le témoignage

Blanchard Vincent, artisan

« Un engagement personnel et un pari pour l’entreprise »

« En dépit du scepticisme des médecins, des professionnels, des acteurs spécialisés et de Pascal lui-même, du moins dans les premiers temps, j’ai fait de son maintien dans l’emploi un engagement personnel. Certains s’investissent pour de grandes causes, moi, j’ai choisi de me battre pour permettre à Pascal de développer au sein de l’entreprise une activité professionnelle qui lui corresponde. C’est une démarche « sociale », mais aussi un pari pour l’entreprise. Je mise sur un projet économique dans lequel je crois et j’en assume tous les risques. »

La fiche d'identité de l'entreprise

  • Entreprise : Vincent Blanchard EURL
  • Activité : Construction rénovation
  • Région : Rhône-Alpes
  • Effectif entreprise : 7
  • Effectif TH de l'entreprise : 1
  • Contact : Blanchard Vincent (artisan) :
    eurlbv@aliceadsl.fr
  • Mise à jour : 04/03/2010

La fiche technique

  • Nombre de salariés concernés : 1
  • Type de handicap : moteur
  • Aménagements :
    • techniques : oui
    • organisationnels : oui
    • de formation : oui
  • Financement : Eurl Vincent Blanchard, Agefiph, Fongecif
  • Partenaires : Sameth, médecin du travail, ergonome, centre de formation
Thématique
Publié le 27 septembre 2010