Un ancien technicien en situation d’inaptitude crée la boutique EBike & Co

Une longue période de déni
Emmanuel est contrôleur technique et formateur dans une entreprise spécialisée dans la prévention des risques. Il effectue des suivis de chantiers et des contrôles de conformité électrique sur des bâtiments, ce qui l’amène à réaliser de nombreux déplacements pouvant aller jusqu’à 3 000 km par semaine. En 2012, il est victime d’un accident de la route survenu au cours d’une de ses missions. « A mon retour, j’ai minimisé les conséquences de l’accident et n’ai pas voulu me déclarer travailleur handicapé. Je me suis accroché à mon poste pendant plusieurs années mais c’est devenu de plus en plus difficile », reconnaît-il. Aux séquelles physiques viennent progressivement s’ajouter les conséquences psychologiques. Les douleurs, les médicaments et les arrêts de travail répétés finissent par peser sur son moral. Emmanuel tombe en dépression en 2015.
C’est donc très tardivement que des actions sont engagées avec son employeur et Cap emploi 21 pour faciliter son maintien dans l’emploi. Des aménagements techniques, financés par l’Agefiph, sont réalisés sur son poste de travail. Ils lui permettent de poursuivre son activité professionnelle pendant un temps mais Emmanuel finit par reconnaître l’évidence : il ne peut plus continuer à exercer le métier auquel il est pourtant très attaché et qui devenu trop contraignant pour lui. Il accepte le principe d’un licenciement pour inaptitude qui survient en novembre 2021, près de 10 ans près l’accident.
Un projet entrepreneurial
Emmanuel est bien décidé à remonter la pente. Cap emploi, avec qui il est toujours en contact, s’engage à l’accompagner pour tourner la page et se construire un nouvel avenir professionnel. Il réalise un bilan de compétences. Il en ressort deux éléments sur lesquels va se construire son projet : le vieux rêve d’ouvrir un jour un commerce et sa passion pour le vélo. Il décide donc de s’orienter vers une création d’entreprise dans l’idée d’ouvrir une boutique de vente et de réparation de vélos et trottinettes électriques.
Sa compagne décide de porter le projet. Elle assurera la gestion administrative et commerciale de la boutique qu’il n’est pas en mesure de prendre en charge compte tenu du manque d’assurance hérité de son accident. Libéré de cette charge mentale, Emmanuel pourra ainsi se concentrer sur les parties technico-commerciales. Cap Emploi 21 l'épaule dans la définition de son projet et l’oriente vers un acteur spécialisé dans l’accompagnement à la création d’entreprise. Il réalise par ailleurs une semaine de mise en situation dans un atelier de réparation de vélo pour valider son choix puis, une fois le projet lancé, une réflexion est amorcées pour adapter son poste à ses besoins physiques. L’Agefiph finance notamment un siège assis-debout et un pied élévateur pour limiter les ports de charge.
Une nouvelle vie professionnelle
La boutique, baptisée Ebike & Co, est inaugurée en mars 2023 à Auxonne, à proximlté du domicile d’Emmanuel. « Comme tous les projets d’entreprise, le démarrage demande beaucoup d’énergie et suscite des incertitudes mais la demande est forte », note l’intéressé. Au bout de quelques mois de fonctionnement, la boutique est agrandie pour développer les ventes de vélos occasions pour lesquels il y a une forte demande. Le beau-fils d’Emmanuel embauché pour gérer cette partie de l’activité.
A l’usage, de nouveaux besoins d’aménagements se font sentir. L’Agefiph cofinance l’achat d’une remorque avec rampe pour assurer les livraisons et d’une presse destinée à faciliter le montage/démontage des pneus pour trottinettes.
« Cap emploi et l’Agefiph restent à l’écoute, souligne Emmanuel. Je me sens vraiment soutenu dans la durée. Ils m’accompagnent dans l’aventure et sont toujours présents en cas de besoin pour rechercher des solutions et me permettre d’avancer. »
TÉMOIGNAGE
Emmanuel Lechien, responsable d’atelier
« Il ne sert à rien rejeter son handicap : il faut apprendre à vivre avec »
Il m’a fallu beaucoup de temps pour accepter ma situation. J’ai eu besoin d’être accompagné psychologiquement pour apprendre à vivre avec le handicap et avec la douleur. J’ai modifié ma façon de vivre et de travailler et je considère aujourd’hui que mon handicap est une partie de moi-même avec laquelle il faut avancer. Il ne sert à rien de la rejeter. Il faut au contraire l’accepter et apprendre à vivre avec. C’est le seul moyen pour aller de l’avant. »