Sanofi à l’écoute de ses collaborateurs touchés par le cancer

Hélène Bonnet est chercheuse en biologie chez Sanofi depuis une vingtaine d’années. En 2015, elle est atteinte d’un cancer du sein. Elle vit alors toutes les étapes de la maladie : le diagnostic, toujours brutal, l’arrêt de travail et les soins, avec leur lot d’incertitudes, puis le retour dans l’entreprise, lui aussi très déstabilisant. « Je me suis arrêtée mais j’avais besoin de rester fortement en lien avec le travail pendant cette période et j’ai été très bien accompagnée. Le médecin du travail, l’assistante sociale, les ressources humaines, mon manager : tout le monde a fait ce qu’il fallait pour me permettre de revenir dans de bonnes conditions. Cela ne m’a pourtant pas empêchée d’être complètement perdue. Je n’avais plus aucun repère. » 

La chercheuse découvre alors une réalité dont témoigne un malade sur trois : à savoir que l’après-cancer est souvent ressenti comme étant plus éprouvant à vivre que la maladie elle-même. A la fatigue et la douleur viennent s’ajouter les troubles de la mémoire et de l’attention dus à l’arrêt des traitements. Du côté du collectif de travail, les réactions du management et des collègues, bien que bienveillantes, sont quant à elles en décalage avec ses attentes. « Les gens étaient touchés de me voir mais au final, leur compassion et la surprotection dont je faisais l’objet ne m’aidaient pas », explique-t-elle.

Avec une collègue également concernée par la maladie, Hélène Bonnet s’emploie à tirer les enseignements de son expérience. En 2017, elle propose avec un petit groupe de salariés concernés à la direction France de Sanofi de réfléchir à une approche efficace pour concilier « cancer et travail ». C’est ainsi qu’est créé, au sein de la direction RSE du groupe, le programme « Cancer & Travail Agir ensemble » dont elle assure le pilotage.

La démarche engagée répond à deux enjeux : tout d’abord établir le dialogue le plus tôt possible avec les collaborateurs atteints par la maladie afin de créer un lien dans la durée et de leur apporter, à chaque étape l’écoute et l’accompagnement dont ils ont besoin. « Il s’agit, d’autre part, d’accompagner des situations et non des individus car la maladie affecte et déstabilise tout le monde : les personnes elles-mêmes, mais aussi les aidants, qui sont dans une solitude abyssale, ainsi que les managers et les collègues », insiste Hélène Bonnet.

Face à la diversité des situations et des trajectoires, les réponses prédéfinies et les statuts telles que la RQTH ne répondent pas à tous les besoins. L’approche préconisée par « Cancer & Travail Agir ensemble » se veut à la fois globale et dynamique. Elle vise à ouvrir le dialogue avec toutes les personnes concernées et à leur faire bénéficier de l’expérience de collègues ayant connu les mêmes épreuves qu’elles. L’objectif est également d’imaginer, au fil de l’évolution de la situation et dans une logique de co-construction, les adaptations individuelles et/ou collectives et l’accompagnement nécessaires pour concilier le travail et la maladie.

Concrètement, le programme repose sur la création d’espaces d’échange et d’écoute sur l’ensemble des sites Sanofi. Chacune des 27 « antennes » ainsi créées réunit 6 personnes présentant des compétences complémentaires (santé au travail, services sociaux, ressources humaines) et des savoirs expérientiels : salariés volontaires touchés par le cancer, aidants et managers ayant été confrontés à la maladie au sein de leur équipe. Tous les volontaires « Cancer & Travail » signent un engagement de confidentialité et suivent une formation de trois jours aux impacts de la maladie et à l’écoute active (peer counseling). 

Pour Hélène Bonnet,  ces regards croisés permettent à l’ensemble des acteurs d’aborder la diversité des sujets qui émergent au gré du quotidien et évitent de surmédicaliser les situations. « En 2023, plus de la moitié des sollicitations émanaient d’aidants (28 %) ou de managers (27 %), indique la chercheuse. Cela montre bien à quel point la maladie impacte l’environnement de la personne. » 

Les 150 « antennistes » aujourd’hui mobilisés sont organisés en réseau apprenant. Ils se connectent tous les 15 jours pour échanger leurs pratiques, évoquer les situations rencontrées « mais aussi partager leurs doutes et leur ressenti personnel face à des situations difficiles voire des deuils », précise Hélène Bonnet qui anime ces rendez-vous.

A ce jour, plus de 400 collaborateurs ont pu bénéficier de ce programme. « Les gens nous disent que notre écoute et nos interventions ont changé leur vie, s’enthousiasme la co-fondatrice du programme. Si vous n’aviez pas été là, disent-ils, je serais en arrêt de travail et n’aurais pas été capable de faire face. »

En de nombreuses occasions, les antennes participent par ailleurs à la sensibilisation de « Sanofiens » sur la problématique du cancer.

La démarche portée par Hélène Bonnet et son réseau d’antennistes s’inscrit dans une politique globale visant à promouvoir la diversité, l’équité et l’inclusion des personnes en situation de handicap. Dans le cadre de cette politique, le groupe a par exemple pris des mesures fortes comme le maintien du salaire sur 12 mois pour les collaborateurs en arrêt maladie, quelle que soit la raison de l’absence.

« La méthode expérimentée par « Cancer & Travail Agir ensemble » est très inspirante, confie Marie-Gwenaelle Chuit, responsable Diversité Equité Inclusion France également en charge de la mission handicap. Cette idée de partir des besoins réels de la personne plutôt que de l’enfermer dans un statut mérite d’être élargie à d’autres publics. C’est une approche véritablement inclusive. » Dans cet esprit, Sanofi a encouragé la création de réseaux pilotés par des collaborateurs (Employee Ressources Group) dédiés aux 5 axes de la diversité (LGBT+, parité, handicap, générations, culture et origines)

Quant au réseau « Cancer & Travail Agir ensemble », il a pris une dimension internationale en intégrant une centaine de collaborateurs issus d’une trentaine de pays d’implantation du groupe, appuyés par 20 personnes anglophones issues du réseau France. Ainsi 90 % des Sanofiens peuvent bénéficier d’une écoute de type « peer counseling » dans leur langue natale et tous peuvent en bénéficier en anglais.

Hélène Bonnet, responsable du programme Cancer & travail : Agir ensemble

« Les schémas d’accompagnement qui prévalaient jusqu’ici ne répondent pas à tous les besoins »

En France, plus d’un million de personnes en activité professionnelle sont touchées par un cancer. Pour tous ces gens, dont j’ai été, concilier travail et cancer est un enjeu quotidien. C’est aussi un sujet relativement nouveau pour les entreprises car il y a encore quelques années, les salariés touchés par la maladie restaient chez eux ou ne revenaient pas. Grâce aux progrès de la médecine, plus d’une personne sur deux est en vie 5 ans après. La donne a donc changé. Les schémas d’accompagnement qui prévalaient jusqu’ici doivent s’adapter à cette nouvelle réalité car ils ne répondent pas à tous les besoins ni à toutes les situations. »