RECRUTEMENT / INTÉGRATION

Après des années à œuvrer dans le secteur médico-social, Delphine Vacher, éducatrice spécialisée et adepte des arts du fil (tricot, crochet, broderie, couture), crée en 2021 la première mercerie solidaire et de seconde main en France. Son projet repose sur le recyclage par des personnes handicapées, progressivement formées au métier d’agent valoriste, d’un patrimoine mercier inexploité, le plus souvent oublié au fond des armoires des couturières. Avec le concours de l’Adapei 44, elle accueille pendant un mois deux stagiaires dans le cadre d’une période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP). Accompagnés par la structure Passerelle pour l’emploi qui fonctionne à la manière d’un Esat hors-les-murs, Jean et François* sont tous deux en quête d’une voie professionnelle sans projet défini pour le moment. Ils ne connaissent pas les arts du fil mais ont été « identifiés » pour leur sensibilité à la question environnementale et au réemploi. L’entrée en matière est rapide. « Nous avons commencé ensemble par le tri de deux tonnes d’articles à recycler que nous venions de collecter », se souvient Delphine Vacher. Elle-même formée au métier d’agent valoriste, elle inculque le process à suivre aux deux stagiaires : trier, vérifier les mesures des coupons, refaire les lots de boutons, repeloter la laine, les bobines de fils, mais aussi fixer les prix et étiqueter les différents articles avant leur mise en vente dans la boutique qui vient juste d’ouvrir. Le mois s’achève par un inventaire général qui permet à Jean et François de prendre la mesure du travail accompli. Pour l’un et l’autre, cette première expérience est positive. Tous deux aimeraient revenir pour avoir une vision plus globale du métier d’agent valoriste qui intègre aussi le conseil et la vente en boutique.

Quelques mois plus tard, Delphine Vacher leur propose de revenir travailler pendant deux mois dans le cadre d’un contrat de mise à disposition. Ils interviendront cette fois-ci en boutique. Jean se positionne sur trois à quatre matinées hebdomadaires. Moins disponible, François sera présent les deux matinées restantes. « Ce format leur convenait parfaitement, pour des raisons de fatigabilité », souligne Delphine Vacher. Le passage du tri à la boutique n’est pas évident pour Jean qui n’est pas à l’aise pour gérer le contact client et notamment la dimension conseil. « Dans un premier temps, il s’est simplement contenté d’assurer l’accueil, le temps de gagner en assurance. En revanche, j’ai insisté pour qu’il prenne la caisse en main, c’est très important. » Pour l’accompagner au quotidien, Delphine utilise une méthode qui avait bien fonctionné lors de la PMSMP : le « pas à pas photos » qui consiste à détailler au moyen de photos légendées toutes les tâches liées à la gestion de la caisse et à la tenue du livre de caisse. « Tout est compilé dans un classeur à la libre disposition de tous les membres de l’équipe qui est aussi constituée d’une vingtaine de bénévoles réguliers. » Enfin, dans la pratique, l’ancienne éducatrice propose progressivement à Jean de réaliser quelques encaissements avec des clientes habituées qu’il connaît déjà. Elle lui transmet aussi quelques astuces comme noter les prix au fur et à mesure sur un petit carnet pour ne rien oublier.

Alors que François fait le choix de ne pas rester au Petit Grenier, Jean souhaite poursuivre l’expérience. En mars 2022, il signe son premier contrat d’agent valoriste en CDI à raison de 20 heures hebdomadaires. « Il est aujourd’hui complètement autonome sur l’accueil et le tri de dons, indique Delphine Vacher. Il a une bonne capacité de mémorisation et se montre à l’aise sur un grand nombre de tâches. Quand ce n’est pas le cas, il sait aller chercher de l’aide. Il est aussi très adaptable, interagit avec différents membres de l’association sans que cela pose la moindre difficulté. » L’objectif de l’association est de permettre à Jean, quand il se sentira prêt pour le faire, de suivre à son tour la formation professionnelle au métier d’agent valoriste. Cette formation n’étant pas diplômante, Delphine Vacher envisage de créer un livret de compétences validables et transférables au cas où il serait amené à travailler ailleurs. « Jean est représentatif d’une partie de la population qui ne met pas en avant ses acquis et ses compétences devant un employeur. A l’écouter, il ne sait rien faire. Un tel livret atteste du fait qu’il ne s’est pas tourné les pouces chez nous, loin de là. » Pendant les deux premières années de son contrat, Jean peut encore bénéficier de l’accompagnement de Passerelles pour l’emploi, en cas de difficultés liées à la compensation de son handicap. * Les prénoms ont été modifiés

Delphine Vacher, chargée de développement et fondatrice d’Au petit grenier « Pouvoir observer la progression de Jean est vraiment gratifiant »