Témoignage Entreprise

À Lille, le restaurant Clément Marot joue la carte de la différence en embauchant un jeune serveur handicapé

Devenir serveur dans un grand restaurant, tel était le rêve d’Augustin, jeune homme déficient intellectuel. Clément Marot, chef réputé du Vieux Lille, a choisi de lui donner sa chance en l’embauchant et en le formant dans son établissement.

L'expérience

Fiche rédigée le 26/10/11

Le rêve d’Augustin : devenir serveur

Clément Marot est une figure incontournable de la gastronomie lilloise. Sa réputation, il la doit avant tout à ses talents aux fourneaux et à son restaurant éponyme, situé aux abords du Vieux-Lille, qui figure en bonne place au Michelin et au Gault-et-Millau. Mais le chef lillois s’impose aussi par sa personnalité truculente, ses responsabilités au sein de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) du Nord et ses engagements, notamment dans le domaine de la formation des jeunes. Le handicap ne lui est pas étranger : en 2003, il a présidé le jury de la première édition du concours de cuisine l’Assiette Gourm’hand, réservé à des travailleurs d’Esat.
Au cours d’un déplacement, en 2006, le chef lillois croise le chemin d’Augustin, un jeune homme d’à peine 20 ans, qui lui fait part de son rêve : devenir un jour serveur dans la restauration. Augustin présente une déficience intellectuelle, il est élève dans un Institut médico-éducatif (IME) à Dunkerque. « Pour ma part, je n’aime pas la notion de handicap, précise Clément Marot, je préfère parler de différence, ça fait grandir. » Touché par les aspirations du jeune homme, le restaurateur décide de l’accueillir en stage de découverte dans son établissement.

Plusieurs essais puis un contrat en alternance

À la suite d’un premier essai de quelques jours au Clément Marot, Augustin renouvelle l’expérience sur des périodes un peu plus longues. Il fait preuve d’une réelle volonté de réussir. De son côté, le chef consulte ses collaborateurs. Bien sûr, le jeune homme doit apprendre, mais chacun est prêt à jouer le jeu et à l’intégrer au sein de l’équipe de service. Bruno Wagnez, le sommelier, accepte de le tutorer et suit une formation spécifique pour l’encadrer au quotidien. Augustin est d’abord embauché en contrat de professionnalisation puis en contrat d’apprentissage sur une période de trois ans. « Il n’a pas été facile de trouver une solution adaptée pour lui permettre de se former à son rythme. Il a fallu se battre car, dès que l’on parle de déficience intellectuelle, les possibilités se réduisent considérablement… », souligne Clément Marot.

Un poste à la mesure du jeune serveur

Costume noir, chemise blanche, nœud papillon, Augustin est aujourd’hui très fier d’accueillir les clients et de les servir en salle. « Au fil des ans, il a acquis des compétences, mais aussi une légitimité et une confiance en lui, ce qui est très important », souligne son employeur. En raison d’une plus grande fatigabilité, il travaille à temps partiel. L’équipe a su s’organiser pour lui construire un poste à sa mesure. Il dresse les tables, assure le service des boissons chaudes et apporte également un soutien aux autres serveurs aux heures de pointe. Le vestiaire a été réorganisé avec un système d’étiquettes de couleurs pour lui permettre de se repérer. Sous la houlette de son tuteur, Augustin a également pris en charge une partie de la gestion de la cave. Avec le soutien de l’Agefiph, le restaurant a fait l’acquisition d’une tablette numérique équipée d’un logiciel spécialement développé à son intention. « Toutes les étiquettes ont été scannées et insérées dans une base de donnée, explique Bruno, le sommelier. Cela permet à Augustin de les repérer visuellement, de s’y retrouver à la cave parmi nos 250 appellations et de m’aider sur le suivi des stocks. »

Une priorité : pérenniser l’emploi d’Augustin

Du côté de la clientèle plutôt huppée du restaurant, le handicap d’Augustin surprend, mais en cinq ans, Clément Marot n’a eu à déplorer que très peu d’incidents. « Un client m’a fait un jour remarquer que sa présence était un peu décalée dans un établissement de ce rang. Je lui ai juste demandé qui était le plus handicapé des deux ! Je considère que la différence a toute sa place dans l’entreprise, y compris dans un grand restaurant. »
S’il se montre à l’occasion protecteur, le chef se veut aussi exigeant vis-à-vis de son salarié. Pas question de « copiner » . Le jeune serveur doit continuer à progresser et tenir pleinement sa place dans l’équipe.
La principale préoccupation de Clément Marot est aujourd’hui de pérenniser son emploi. « Je ne suis pas éternel. Augustin doit construire son avenir professionnel et acquérir de nouvelles compétences. » C’est la raison pour laquelle le jeune homme vient d’entamer la préparation sur deux ans d’un certificat de qualification professionnelle (CQP) comme caviste.

Le témoignage

Clément Marot, gérant et chef de cuisine

« Donnez-nous le mode d’emploi ! »

« Cette année encore, j’ai assisté au concours l’Assiette Gourm’hand au cours duquel des jeunes cuisiniers d’Esat réalisent des plats élaborés devant un jury de chefs étoilés. Ce genre de manifestation montre que ces jeunes ont de réelles capacités et peuvent être embauchés dans des restaurants. Mais la déficience intellectuelle est encore très mal connue. Les freins sont nombreux et pas seulement du côté des employeurs ! Il est par exemple très difficile de trouver des formations adaptées. De ce fait, les entreprises ne savent pas comment s’y prendre. C’est ce que j’explique à mes interlocuteurs du milieu protégé : donnez-nous le mode d’emploi ! »

La fiche d'identité de l'entreprise

  • Entreprise : Restaurant Clément Marot
  • Activité : Restauration
  • Région : Nord-Pas-de-Calais
  • Effectifs entreprise : moins de 10 salariés
  • Effectifs TH : 1
  • Contact : Clément Marot (gérant) -
    clmarot@nordnet.fr
  • Mise à jour : 2/11/11

La fiche technique

  • Nombre de salariés concernés : 1
  • Type de handicap : déficience intellectuelle
  • Aménagements :
    - techniques : oui
    - organisationnel : oui
     - formation : oui
  • Financements : Clément Marot Sarl, Agefiph
  • Partenaires : IME, OPCA, Chambre des Métiers
Thématique
Publié le 21 novembre 2011