Les Transports Brevet forment et embauchent un conducteur sourd

Une candidature inattendue
Implantée à Villars-les-Dombes (Ain) à mi-chemin entre Lyon et Bourg-en-Bresse, la société Brevet est spécialisée dans les transports frigorifiques. Elle emploie 250 collaborateurs dont 170 conducteurs qui se répartissent entre les longues distances (national) et le service de messagerie régional. « Comme toutes les entreprises de transport, nous avons des difficultés à recruter, explique Nicolas Brevet, le PDG de l’entreprise. Cela nous conduit à élargir au maximum les bases du recrutement traditionnel afin de trouver des candidats motivés. »
C’est via Cap emploi 71 que la société de transport croise la route de Stéphane. Demandeur d’emploi sourd de naissance, il est en phase de définition de son projet professionnel et souhaite devenir chauffeur routier. Début 2018, son référent de parcours le présente à l’entreprise en vue d’une période d’immersion. Un peu plus d’un an plus tard, il est embauché en CDI à l’issue d’une période de formation. « Je crois qu’il y a à peine 25 chauffeurs de poids lourds sourds en France. Avec l’exemple de Stéphane*, nous sommes très fiers de montrer que c’est possible, s’enthousiasme Nicolas Brevet. Au début, on trouve ça un peu fou et puis on se rend compte que c’est tout à fait réalisable dès l’instant où il y a une envie et un engagement de toutes les parties prenantes. Ce qui a été le cas. »
Un contrat de professionnalisation de 6 mois
Lorsqu’il arrive dans l’entreprise, Stéphane est accompagné dans le cadre d’un Dispositif Amont de la Qualification (DAQ), propre à la région Bourgogne-Franche-Comté. Il réalise tout d’abord un stage
d’immersion d’un mois pour découvrir le métier et valider son projet. « Il était en binôme avec une conductrice, note Nicolas Brevet. La communication est passée dès le premier jour. Avant même qu’il y ait des aménagements, chacun bricole à sa manière. C’est une expérience vraiment étonnante. »
A l’issue de cette première étape, l’entreprise propose à Stéphane un contrat de professionnalisation d’une durée de 4,5 mois, qui sera par la suite prolongée de moitié. Financée par l’OPCO Mobilité, avec un financement Agefiph en complément des aides de l’Etat, cette formation en alternance lui permet d’obtenir avec brio ses titres professionnels (« Camion porteur 19 tonnes » et « Tous véhicules 44 tonnes »). Sitôt sa formation terminée, il passe en CDD pour être finalement confirmé en CDI quelques mois plus tard.
Au sein de l’entreprise, Stéphane officie d’abord comme « conducteur de cour » : il est chargé de la manipulation des véhicules en interne. Puis il est affecté à des livraisons chez un client unique qui est prévenu et sensibilisé. « L’accueil a été excellent !, se souvient son employeur. Le premier jour, une affiche de bienvenue avait été préparée à son intention sur le quai ! » Progressivement, les tournées de Stéphane sont élargies à d’autres clients.
Un conducteur comme les autres
Dès le début de son parcours, le futur chauffeur bénéficie d’une Prestation d’appui spécifique financée par l’Agefiph : elle consiste en un accompagnement par une association spécialisée, l’Urapeda, qui mobilise notamment des interprètes en langue des signes pendant la formation puis, plus ponctuellement, une fois le salarié en poste.
Stéphane est par ailleurs équipé d’un dispositif qui lui permet de lancer un appel d’urgence en cas de problème sans avoir à quitter sa cabine. Il a également accès au service Tadéo grâce auquel il peut passer des appels téléphoniques à tout moment via un service d’interprétariat à distance. « Au début, il avait demandé un blouson avec un logo indiquant qu’il était malentendant mais il l’a très vite abandonné parce qu’il a très vite été connu chez les clients mais aussi parce qu’il a pris confiance », rapporte son employeur. Stéphane travaille aujourd’hui au national. Pour Nicolas Brevet, c’est un conducteur comme les autres qui travaille de façon autonome et n’a jamais rencontré de difficulté particulière en raison de handicap.
* Le nom de la personne a été modifié.
TÉMOIGNAGE
Nicolas Brevet, PDG
« On se rend vite compte qu’il y a des moyens et des partenaires pour y arriver »
Embaucher un conducteur sourd peu apparaître un peu compliqué au départ car il faut mettre en place un certain nombre de choses mais on se rend vite compte qu’il y a des moyens pour y arriver et des partenaires qui se mobilisent autour de vous. Dans le cas de Stéphane, il y a un vrai retour pour l’entreprise en termes d’engagement, d’autonomie, de fiabilité.