L’entreprise Klein amorce un virage stratégique capital suite au reclassement d’un compagnon-couvreur
L’expérience
Article rédigé le 27/10/07
Un savoir-faire unique à préserver
Depuis 25 ans, les compagnons couvreur de la société Klein entretiennent et rénovent les toitures des plus beaux immeubles parisiens. Suspendus au-dessus des grands boulevards de la capitale, ils reboisent les charpentes, façonnent, découpent et posent le zinc et l’ardoise, matériaux caractéristiques du style haussmannien. Un travail difficile, soumis aux intempéries, qui requiert un savoir-faire unique et une excellente condition physique. En 2003, Léandre Bouché, l’un des compagnons les plus expérimentés et les plus âgés de l’équipe, est déclaré inapte suite à une hernie discale. Pour Hubert Dumont, P-DG de l’entreprise, il n’est pas question de licencier un professionnel de sa qualité à 5 ans de la retraite. Aucune possibilité de reclassement n’existant dans l’entreprise, il décide de mettre en œuvre un projet auquel il songe depuis quelques temps : le rapatriement en atelier de l’activité de façonnage du zinc, qui représente un tiers du métier de couvreur. Cette innovation permettra de préserver l’emploi de son salarié, mais elle apportera aussi une réponse à l’une des principales préoccupations de la profession : le vieillissement des équipes.
Révolution technologique chez les compagnons
La création de l’atelier marque une véritable rupture dans la profession, très attachée aux tradition, et le premier obstacle à lever est de faire accepter l’idée à l’équipe. La personnalité du salarié et son autorité professionnelle facilitent l’adhésion. Sur le plan technique, le projet nécessite d’une part l’aménagement de locaux et l’acquisition de machines-outils numériques très onéreuses, d’autre part, une réorganisation totale des méthodes de travail. En la matière, il faut tout inventer car ce type de process n’existe pas dans la profession. Il faudra près de six mois à l’entreprise pour effectuer les bons choix technologiques et mettre en place un nouveau mode de fonctionnement. L’autre contrainte concerne la situation du salarié reclassé qui doit notamment éviter le port de charges lourdes. Cet aspect fera l’objet d’une étude spécifique. Enfin, l’ensemble de la démarche représente un investissement lourd, de l’ordre de 200 000 euros, que la PME ne peut assumer seule. Il faut donc trouver les partenaires et les convaincre de la viabilité du projet. À cet effet, un dossier technique de 150 pages est monté.
Un pari sur l’avenir
Après s’être tourné vers le médecin du travail, qui définit les aptitudes du salarié, l’entreprise s’oriente vers un cabinet d’ergonome qui sera chargé d’adapter l’atelier à ces contraintes. Parallèlement, un dossier de demande d’aide au titre du maintien dans l’emploi est adressé à l’Agefiph. Les arguments avancés emportent l’adhésion de la commission d’attribution qui mesure tout l’intérêt de l’opération : il s’agit non seulement de répondre à une situation conjoncturelle en maintenant dans l’emploi un salarié proche de la retraite, mais aussi d’introduire un nouveau process qui pourrait faire école dans une profession vieillissante. L’Agefiph cofinance donc une partie des aménagements et du matériel. Pour l’entreprise, plusieurs mois seront nécessaires pour gérer la période de transition, intégrer le nouvel outil et amener l’atelier à sa vitesse de croisière.
Une longueur d’avance pour Klein SA
Quatre ans après la mise en service de l’atelier, la réussite est totale : le salarié a pu conserver son emploi jusqu’à son départ à la retraite. Il a été remplacé depuis par un compagnon devenu inapte au métier de couvreur suite à une chute. Sur le plan économique, l’atelier a généré un gain de productivité de l’ordre de 1 à 6 (30 % du temps gagné sur la durée d’un chantier), offre de nouvelles possibilités de stockage à l’entreprise et améliore la rentabilité tant sur les fournitures que sur la main d’œuvre. Enfin, il a permis l’ouverture d’un nouveau marché de préfaçonnage, Klein réalisant désormais cette opération en sous-traitance pour d’autres entreprises de couverture. « Depuis 2003, l’idée commence à faire son chemin dans la profession, mais sur les 500 entreprises spécialisées d’Ile-de-France, trois à quatre seulement ont franchi le pas, commente Hubert Dumont. Nous sommes donc très en avance et l’atelier aura bientôt une capacité d’embauche de 3 à 4 personnes. Il devrait donc permettre la reconversion d’autres couvreurs inaptes ou présentant des problèmes de santé. »
Le témoignage
Dumont Hubert, président-directeur général
« L’élément déclencheur d’une évolution inévitable »
« Pour une
PME
comme la nôtre, située dans un secteur en pleine évolution, les considérations économiques sont prioritaires. Le recrutement de travailleurs handicapés ou le maintien dans l’emploi ne peuvent être envisagés qu’à l’aune de cette nécessité. En l’occurrence, la faisabilité du projet reposait sur une véritable convergence d’intérêts. La situation de notre salarié a été le déclencheur d’une évolution inévitable. La moyenne d’âge des couvreurs est aujourd’hui de 45 ans et la relève se fait rare car le métier est pénible et exige non seulement un savoir-faire, mais aussi un niveau de qualification élevé. La fabrication des pièces nécessite par exemple de maîtriser la trigonométrie. Sur les 4 000 compagnons-couvreurs recensés en Ile-de-France, 10 à 15 % de cas d’inaptitude sont à prévoir dans les prochaines années. »
La fiche d'identité de l'entreprise
- Entreprise : Klein SA
- Activité : Construction
- Région : Ile-de-France
- Effectif entreprise : 20
- Effectif TH de l'entreprise : 1
- Unités valorisables au titre de la sous-traitance : nc
- Accord d’entreprise : NON
- Convention Agefiph : NON
- Contact : Dumont Hubert (président-directeur général) :
hubert-dumont@kleinsa.com - Mise à jour : 19/11/2007
La fiche technique
- Durée du projet : 6 mois
- Nombre de salariés concernés : 1
- Type de handicap : moteur
- Aménagements :
- techniques : oui
- organisationnels : oui
- formation : oui
- Financements : Klein SA, Agefiph
- Partenaires : médecine du travail, cabinet d'ergonome