Le groupe Auchan Retail France expérimente une cellule d’écoute « Maladie et Travail »
Réflexions autour des maladies évolutives
En 2019, 15 % de la population active française était atteinte d’une maladie chronique. Selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), cette proportion devrait atteindre 25 % dès 2025. Le cancer représente une large part de ces pathologies. En 2021, Karine Ducrocq, cadre au siège du groupe Auchan Retail France, est confrontée à la réalité de la maladie qui l’éloigne de son travail pendant près de 11 mois. Durant cette longue période, elle prend le temps de réfléchir à la manière dont les entreprises appréhendent ces situations. Elle découvre également la fonction de « patient partenaire » développée par certains hôpitaux. Forts de leur vécu et de leur expérience de la maladie, ces patients deviennent acteurs auprès d’autres malades et des professionnels de santé pour améliorer les stratégies de soins et d’accompagnement. « Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à transposer dans l’entreprise car, le plus souvent, le management ne sait pas comment aborder le sujet et les salariés concernés ont tendance à s’isoler, ce qui peut créer des situations de rupture. »
Peu avant de reprendre le travail, elle partage son idée avec la directrice RSE du groupe, responsable de la politique handicap, et lui propose de réfléchir à la mise en place d’une cellule d’écoute et d’accompagnement autour des collaborateurs atteints de maladies évolutives. Il est convenu qu’elle mènera cette réflexion dans le cadre de la préparation d’un diplôme universitaire dédié à la fonction de patient partenaire, proposé par l ‘université Paris Sorbonne.
Tout l’environnement de travail est concerné
« Le projet de Karine est arrivé au moment où nous étions en train de construire un accord handicap intégrant, pour la première fois, toutes les entités du groupe, confie Franck-Yves Beauprez, pilote de la mission handicap Auchan France. Un diagnostic, réalisé avec l’Agefiph, avait mis en lumière, parmi d’autres problématiques, la question des maladies évolutives. Nous réfléchissions par ailleurs à mieux mobiliser l’expertise de nos collaborateurs en situation de handicap. Autant dire que les planètes étaient alignées. »
La feuille de route confiée à Karine Ducrocq consiste à créer et animer un espace où des collaborateurs, mais aussi des managers et des salariés aidants concernés par la maladie, pourront trouver une écoute et échanger en toute confidentialité sur leurs questionnements ou leurs difficultés. « L’écoute va bien au-delà de la personne malade car c’est tout son environnement de travail qui est impacté », insiste Karine Ducrocq. Les enjeux des échanges varient selon les interlocuteurs et les situations : établir une relation de confiance dès la découverte de la maladie, trouver la bonne organisation ou le bon mode de communication avec le collaborateur concerné, lever les gênes et les malentendus, conserver le lien pendant la période d’arrêt, préparer la reprise…
L’un des objectifs de la cellule Maladie et travail – nommée ainsi afin d’englober toutes les pathologies - est de réussir à communiquer le plus tôt possible avec les personnes afin d’anticiper au mieux les situations.
Les premiers pas du dispositif
Pour l’heure, le dispositif n’en est qu’à ses débuts. Karine Ducrocq expérimente la cellule d’écoute à l’échelle du siège de Villeneuve-d’Ascq (Nord) qui emploie 2 000 salariés. « Je fais le tour des équipes pour promouvoir le projet et à chaque fois, je suis sollicitée. » Entre janvier et mars 2024, elle a réalisé une douzaine d’entretiens, principalement en visio et par téléphone. L’objectif immédiat est de construire le modèle en vue de capitaliser sur cette première expérience puis d’élargir la démarche aux 55 000 salariés du groupe. La tâche est immense, l’une des principales difficultés étant d’identifier des collaborateurs volontaires disposés à se former et à s’engager dans la démarche. La connaissance intime de la maladie est une condition indispensable pour être en mesure d’instaurer un vrai dialogue.
Parallèlement au travail d’écoute, l’idée est également de former et de sensibiliser les équipes RH et le management et, à plus long terme, de faire des propositions sur la base des informations collectées lors des entretiens en vue de mettre en place des modes d’organisation pour mieux accompagner les salariés vulnérables. Karine Ducrocq participe par ailleurs à un groupe d’échange de pratiques au sein de l’Institut national du cancer (Inca) avec qui le groupe Auchan Retail France a signé la charte Cancer et emploi à l’automne 2023.
TÉMOIGNAGE
Karine Ducrocq, responsable de la cellule Maladie et Travail
« Sur mon profil LinkedIn, j’ai ajouté la mention “Fighting cancer”
« Tout le principe de la fonction de patient partenaire repose sur l’idée qu’une personne concernée par la maladie développe à la fois un savoir expérientiel et des aptitudes, des compétences transposables dans sa vie professionnelle, comme par exemple la capacité à se dépasser, l’intelligence émotionnelle, la prise de recul, le sens des priorités… Comme beaucoup d’autres personnes, j’ai ajouté la mention « Fighting cancer » sur mon profil LinkedIn car c’est vraiment une spécificité à valoriser. »