Le cabinet d’avocat d’affaires Allen & Overy ouvre la profession aux étudiants handicapés

Les métiers du droit n’ont pas encore fait leur révolution en matière d’emploi des personnes handicapées. Malgré des initiatives ponctuelles, les parcours universitaires restent difficilement accessibles pour les étudiants concernés par le handicap et les acteurs du secteur, en particulier les cabinets d’avocat, ont beaucoup tardé à s’approprier le sujet. « Les préjugés sont tenaces dans une profession qui reste très élitiste et qui ne jure que par la performance. Beaucoup de professionnels persistent à penser, à tort, que nos métiers ne sont pas accessibles », analyse Laure Carapezzi, chargée de ressources humaines au sein du cabinet d’avocat d’affaires international Allen & Overy, qui emploie environ 300 collaborateurs en France. Afin de contribuer à lever ces obstacles qui n’incitent guère les jeunes concernés par le handicap à envisager une carrière juridique, le bureau parisien du cabinet britannique, a lancé fin 2020 un programme innovant baptisé Légal à Égal. « L’idée est de proposer à des étudiants en situation de handicap un parcours de stage clé en main qui leur permette à la fois de prendre pied au sein de notre cabinet et dans les directions juridiques de grands groupes français et internationaux avec lesquels nous travaillons », résume Laure Carapezzi.

Pour mettre en œuvre ce double parcours de stage, le cabinet Allen & Overy s’est rapproché de grands groupes partenaires déjà particulièrement investis sur le sujet de l’inclusion, parmi lesquels Total, BNP Paribas, Bank of America et Chanel. Selon le principe imaginé au départ, chaque étudiant admis au sein du programme effectue une période de stage de 6 mois en entreprise puis une période équivalente chez Allen & Overy Paris. « Nous présélectionnons les candidats dont les profils sont ensuite validés par les entreprises partenaires », précise Laure Carapezzi. Le sourcing est réalisé via les réseaux sociaux mais aussi auprès des missions handicap des universités, de l’école de formation du Barreau de Paris et de l’association Droit comme un H* qui s’est donné pour mission de faciliter l’accès des jeunes en situation de handicap aux professions du droit. Des partenariats ont également été établis avec Sciences-Po et HEC. « Le recrutement reste très sélectif car les exigences sont les mêmes que pour les autres étudiants », souligne la chargée de ressources humaines. Pour être retenu, un candidat doit présenter un parcours académique exemplaire, un très bon niveau d’anglais ainsi que les capacités d’adaptation et de communication indispensables pour évoluer dans des milieux juridiques d’excellence. Les questions liées au handicap sont en revanche abordées avec la plus grande bienveillance, des solutions de compensation et d’accompagnement pouvant être recherchées notamment avec l’Agefiph, qui soutient le projet.

Sur la première année, huit candidats ont été identifiés et trois d’entre eux sont déjà engagés dans la démarche. Dyslexie importante, maladie cardiaque, handicap moteur, leurs situations sont très diverses. Elles ont d’ailleurs conduit les initiateurs du programme à procéder à quelques adaptations. « Il faut savoir faire preuve de souplesse, explique Laure Carapezzi. Nous avions calqué notre parcours en nous inspirant de l’Ecole Française du Barreau mais nos étudiants ne suivent pas nécessairement cette voie et leur cheminement n’est pas linéaire ». Il a ainsi fallu réduire le temps de stage d’un des participants afin de tenir compte de sa fatigabilité ; un autre a fait le choix en cours de route de bifurquer vers une école de commerce. D’autres stagiaires sont dans les starting blocks mais ne démarreront que dans le courant de l’année 2022 voir en 2023. « Nous apprenons en avançant, poursuit Laure Carapezzi. Nous avons pris conscience de la nécessité d’anticiper, de suivre les étudiants dans la durée et de nous adapter à chaque situation. Certains candidats que nous avons repérés sont seulement au début de leur parcours. Ils ne sont pas prêts aujourd’hui mais le seront probablement demain. » Pour la chargée de ressources humaines, tous les signaux sont positifs : les équipes du cabinet adhèrent pleinement au projet et les entreprises partenaires sont prêtes à jouer le jeu. Quant au développement futur du programme, les idées ne manquent pas : il pourrait à l’avenir associer d’autres bureaux d’Allen & Overy à l’étranger voire d’autres cabinets et élargir son horizon vers des spécialités tels que le droit pénal ou le droit de la famille. * L’association Droit comme un H a été récompensée par l’Agefiph dans le cadre du prix Activateurs de progrès 2021. Elle a elle-même décerné le premier Prix Droit comme un H à l'initiative du cabinet Allen & Overy en faveur du handicap dans la profession d'Avocat avec le soutien du Barreau de Paris.

Laure Carapezzi, chargée de ressources humaines « Nous ne gérons pas des flux importants de candidats »