La Snat recrute une jeune femme sourde profonde comme conductrice de poids lourd
L'expérience
Fiche rédigée le 28/12/2015
Cinq semaines de stage
Une jeune femme présentant une surdité profonde peut-elle devenir conductrice de poids lourd ? Cette question, Audrey, 26 ans, ne se l’est pas posée longtemps lorsqu’elle a pris la décision de se réorienter professionnellement.
Titulaire d’un BTS comptabilité, la jeune femme a compris, dès sa première expérience, que la vie de bureau ne lui conviendrait pas. Cavalière chevronnée, membre de l’équipe de France d’équitation handisport, elle avait déjà l’habitude de tracter derrière sa voiture le van transportant son cheval. Alors pourquoi pas une remorque de camion ?
Le centre de formation Aftral auquel elle s’adresse, début 2015, accepte de relever le défi de la préparer au permis poids lourd. Encore faut-il trouver une entreprise susceptible de l’accueillir en stage pratique. Ce sera la Snat, société de transport de Saint-Nazaire.
« Nous avons beaucoup hésité, reconnaît Yoann Lelièvre, qui l’a tutorée durant cette période. Mais en cinq semaines, Audrey a levé toutes nos appréhensions au point que nous avons pris la décision de l’embaucher au terme de sa formation. »
Une grande vigilance et une conduite très assurée
Au départ, les inquiétudes de l’entreprise portent moins sur la capacité de la jeune femme à conduire que sur les risques d’accident pendant les phases de chargement-déchargement. « Dans ces moments-là, le conducteur doit être très attentif à son environnement, surtout en milieu industriel. Toute la question était de savoir si nous ne mettions pas Audrey en danger », poursuit le moniteur-formateur de la Snat.
En situation, elle fait, au contraire, preuve d’une grande vigilance et d’un sens de l’observation très aigu. Selon son tuteur, ces qualités viennent naturellement compenser sa surdité et font d’elle, une fois au volant, une conductrice très assurée. Elle décroche d’ailleurs son permis sans difficulté.
Convaincue par la période de formation, la Snat propose à Audrey de poursuivre l’expérience dans le cadre d’un CDD estival. Le premier client qu’on lui confie – une grande enseigne sportive – est lui-même engagé sur l’emploi des personnes handicapées. Ses interlocuteurs sont prévenus de sa surdité. Comme tous les camions de la société, son véhicule est équipé de nombreux rétroviseurs et d’une boîte automatique qui lui permet de se concentrer sur la route. Quant aux communications avec le siège, elles se font par SMS.
Une première en France
En septembre 2015, Audrey est confirmée en CDI. Cette fois, elle livre des entreprises aéronautiques. Comme précédemment, son parcours est bien jalonné : les clients sont prévenus et les tournées sont régulières de manière à ce qu’elle puisse prendre ses repères sur les différents sites de livraison. « Nous sommes très attentifs à ce genre de détails car nous avons conscience qu’elle produit déjà de gros efforts au quotidien pour compenser sa surdité et se fatigue donc plus vite. Il est donc essentiel de lui faciliter la tâche », souligne Yoann Lelièvre.
Si la jeune femme est aujourd’hui bien intégrée dans son entreprise, il lui a aussi fallu prendre l’initiative pour communiquer avec ses collègues. « Les autres conducteurs n’osaient pas aller vers elle. Ils n’ont déjà pas l’habitude de travailler avec des femmes, alors discuter avec une nouvelle arrivante sourde profonde… », commente Yoann Lelièvre. L’entreprise projette de faire intervenir une association spécialisée pour sensibiliser son équipe aux principes de savoir être avec une personne malentendante.
En attendant, Audrey et son employeur ont répondu à la question posée : oui, une jeune femme présentant une surdité profonde peut bel et bien devenir conductrice de poids lourd. Et c’est une première en France.
Le témoignage
Yann Lelièvre, moniteur-formateur à la Snat
« L’exemple d’Audrey nous incite à nous ouvrir sur le handicap »
« La rencontre avec Audrey a été le fait des circonstances. Auparavant, nous ne nous étions jamais posé la question du handicap. Son exemple nous donne à réfléchir. Elle nous ouvre les yeux sur la place que peuvent occuper les personnes handicapées dans l’entreprise, dès l’instant où elles sont motivées et où les mesures de compensations nécessaires sont prises. »
La fiche d'identité de l'entreprise
- Entreprise : Snat
- Groupe : Scop Idea Groupe
- Activité : Transports
- Région : Pays de la Loire
- Effectif France : 133
- Effectif TH France : 6
- Unités valorisables au titre de la sous-traitance : nc
- Contact : Yoann Lelièvre, moniteur-formateur à la Snat – ylelievre@snat.fr
La fiche technique
- Nombre de personnes handicapées concernées : 1
- Type de handicap : déficience auditive
- Aménagements
- techniques : non
- organisationnel : oui
- formation : non - Financement : Snat, Agefiph
- Partenaires : centre de formation Aftral