Hopicile invente un poste sur mesure pour bénéficier des compétences d’un salarié non-voyant

Longtemps commercial itinérant pour un grand laboratoire américain, Philippe Legrand a finalement fait le choix de l’indépendance et de la sédentarité en créant sa propre enseigne en 2010. Sa société, Hopicile, est spécialisée dans la vente et la location de matériel médical destiné à des personnes handicapées ou hospitalisées à domicile. Elle est implantée à Dinard et à Dinan (Ille-et-Vilaine) et emploie aujourd’hui sept salariés. « J’ai la satisfaction d’avoir créé de l’emploi, de rendre service aux autres et de savoir que chaque jour, mon action professionnelle a une répercussion directe sur la vie de mes clients », confie-t-il. Philippe Legrand n’est pas seulement chef d’entreprise. Il est aussi très impliqué dans la vie de son territoire. C’est dans ce contexte qu’il rencontre Thomas Leprivey, fondateur de l’association Jette-moi un regard, qui soutient des personnes handicapées et les aide à se procurer le matériel souvent coûteux dont elles ont besoin (fauteuils roulant, fauteuil verticalisateur etc.). Thomas, la cinquantaine, est non-voyant. Il a progressivement perdu la vue entre 2001 et 2009. Des soucis de santé l’ont par la suite éloigné de l’emploi. D’abord partenaire de l’association, Philippe Legrand décide, en mai 2021, d’aller plus loin en proposant à son fondateur de lui créer un poste sur mesure au sein de son entreprise.

« Dans le cadre de son association, Thomas a développé des compétences pointues et une capacité d’analyse des situations qui viennent s’ajouter à de vraies qualités personnelles, notamment en matière de communication, explique Philippe Legrand. Ce sont là de véritables atouts pour une entreprise comme Hopicile. » Dans le prolongement de son activité bénévole, il le missionne auprès de certains clients de la société pour les aider à trouver des financements et à monter les dossiers administratifs correspondant en vue de l’acquisition ou de la location du matériel dont ils ont besoin. « C’est un service supplémentaire gratuit que nous apportons et qui nous permet de nous démarquer sur un marché très concurrentiel », indique le chef d’entreprise. La connaissance et l’expérience du handicap constituent également une compétence en soi. Thomas est donc également délégué par Hopicile auprès de différents établissements et collectivités pour les sensibiliser sur le handicap et promouvoir l’entreprise. « Nous sommes en train de créer son poste de toutes pièces, résume Philippe Legrand. Il est tantôt un peu commercial, tantôt un peu assistante sociale. Mais dans tous les cas, il est pleinement compétent et crédible ».

L’expérience, lancée dans le cadre d’un premier CDD renouvelé une fois, est en passe d’être pérennisée par la signature d’un CDI. « Pour l’instant, je ne travaille que sur un quart temps, à raison de trois demies journées par semaine, commente Thomas. Mais nous ne sommes qu’au début. Nous espérons que le volume de mes interventions va augmenter. » Au plan matériel et notamment informatique, il est déjà équipé à titre personnel. En attendant de pouvoir obtenir d’éventuels financements, l’entreprise prend en charge ses déplacements professionnels. Toujours dans le souci de rendre l’offre Hopicile attractive et de fidéliser les clients, les deux hommes réfléchissent à proposer ponctuellement à ces derniers des invitations pour des spectacles ou des activités de loisirs adaptées de type sorties en mer. Un autre volet d’activité tout à fait dans les cordes de Thomas puisqu’il est un membre historique du comité d’organisation du festival la Route du Rock de Saint-Malo. La survenance de son handicap l’a conduit à prendre en charge, au sein de l’équipe, la coordination de l'accueil des personnes handicapées. L’idée d’engager Hopicile sur cette voie découle directement de son vécu : « Devoir accepter son handicap, c’est déjà très dur mais c’est encore plus difficile quand on est confronté à l’isolement et à l’inactivité », témoigne-t-il. Contribuer à créer du lien social et sortir les gens de l’immobilisme dans lequel ils sont enfermés, est évidemment porteur de sens pour une entreprise œuvrant au bien-être de ses clients.

Philippe Legrand, gérant d’Hopicile « Ne pas laisser perdre des qualités humaines et des compétences professionnelles précieuses »