Des hôte(sse)s de caisse malentendant(e)s dans les magasins FNAC d’Ile-de-France

Depuis plusieurs années, les clients des magasins FNAC parisiens et franciliens ne s’étonnent plus, au moment de régler leur achat, de se retrouver face à un petit panneau leur signalant que l’hôte(sse) de caisse qui leur fait face est sourd(e) ou malentendant(e). Sourire entendu, signe de tête appuyé, paroles prononcées distinctement pour faciliter la lecture labiale : ces petits gestes de reconnaissance relèvent désormais du réflexe pour certains habitués. La présence de ces collaborateurs sourds est le résultat d’une démarche entamée il y a près d’une dizaine d’années par l’enseigne sur Paris et l’Ile-de-France. Florence Maurice, responsable de la mission handicap du groupe, en est à l’initiative. « Ma première expérience remonte à l’époque où je travaillais à la Fnac du Forum des Halles. Nous avions accompagné une personne sourde dans un parcours de formation avec le Greta et j’ai réalisé que ces personnes pouvaient présenter un vrai potentiel. Il est tout de même dommage de laisser passer des profils intéressants sur la base d’un préjugé sans fondement selon lequel les personnes malentendantes ne sauraient pas communiquer. Au contraire, elles peuvent être très communicantes et ont l’habitude de déployer au quotidien toute sortes de stratégies pour évoluer au milieu des “entendants”. Alors, pourquoi pas dans un magasin FNAC ? » L’idée de creuser ce sillon fait progressivement son chemin et une nouvelle expérience réussie - l’accueil d’un stagiaire dans un magasin – incite Florence Maurice à passer à l’action. « Pour beaucoup de ces personnes, le véritable handicap ne réside pas dans la surdité ou la malentendance mais dans l’absence d’accès à la formation qui en a résulté », analyse-t-elle.

C’est donc le levier de la formation, et plus particulièrement de l’alternance, que la responsable de la mission handicap entend activer pour ouvrir les magasins FNAC aux personnes sourdes. Pour construire le projet, elle se rapproche du Greta qui accompagne régulièrement des stagiaires en situation de handicap, de l’association Aris (Association régionale pour l'intégration des sourds) qui propose des services d'interfaces de communication, de médiation et d’interprétariat, et de l’Agefiph. L’idée est de constituer une promotion de 15 personnes formées pendant un an à l’accueil en caisse. Les stagiaires partagent leur temps entre les enseignements théoriques et la remise au niveau au Greta, une semaine par mois sous la conduite d’un enseignant bilingue, et la formation métier en magasin durant les trois autres semaines, à raison de 25 h hebdomadaires. « La partie pratique est précédée par une semaine de formation initiale sur un terminal de caisse avec un responsable de magasin pour se familiariser avec les procédures », précise Florence Maurice. Les interfaces de communication interviennent à toutes les étapes : au moment du recrutement, lors de la formation initiale puis lors de moments importants comme la journée d’intégration, les entretiens annuels ou certaines formations internes à l’enseigne. Ils assurent également la formation/sensibilisation des tuteurs à raison de trois séances d’une durée de 1 h 30. « Il est important de comprendre la “culture sourde” et l’approche spécifique de la communication qu’elle induit : économiser les mots, aller à l’essentiel… », souligne la responsable de la mission handicap.

Depuis 2013, année de lancement de la première formation, une promotion d’une dizaine de personnes est constituée chaque année. « Ce qui est vraiment efficace, c’est la professionnalisation et le travail en groupe au sein du Greta qui permet aux stagiaires de s’entraider, d’échanger sur leurs expériences », commente Florence Maurice. A l’issue du parcours, un peu plus de la moitié intègre un magasin, en fonction des postes disponibles. Mais pour tous les stagiaires, la formation est l’opportunité de se remettre en mouvement et d’améliorer son employabilité. Elle est aussi parfois l’occasion pour les ressources humaines ou l’assistante sociale d’intervenir auprès des personnes pour résoudre certains problèmes administratifs laissés en souffrance faute d’accès à l’information ou à tel ou tel service. « Nous avons permis de beaux parcours dont nous sommes très fiers, poursuit Florence Maurice qui mentionne le cas d’un ancien alternant passé de la caisse à la vente. D’autres s’orientent vers le service après-vente ou encore la logistique. Pour l’heure, le dispositif est principalement déployé sur la région parisienne mais l’expérience commence à essaimer en région en fonction des partenariats locaux établis par les magasins. Il est probable qu’à l’avenir, l’expérience soit étendue à l’enseigne Darty qui a fusionné avec la Fnac en 2016.

Florence Maurice, responsable mission handicap du groupe Fnac-Darty « Les personnes sourdes sont généralement beaucoup plus attentives à l’autre »