Des aménagements en cuisine pour de jeunes sourds au McDonald's de Melun
L'expérience
Article rédigé le 05/01/08
Demande de polyvalence de la part de 6 salariés sourds profonds
Directrice des ressources humaines de huit restaurants McDonald’s situés en Seine-et-Marne et dans l’Essonne, Bénédicte Trasse se souvient du changement de cap amorcé en avril 2003 lorsqu’elle change de directeur. « Le nouveau gérant franchisé nous a demandé d’entamer toutes les démarches nécessaires pour embaucher des travailleurs handicapés » . Avec l’aide d’un cabinet privé, elle recrute alors trois personnes sourdes profondes au restaurant de Melun pour les affecter à des postes de cuisine (grill, table à garnitures…) et au nettoyage de la salle aux heures de pointes. La nouvelle se répand rapidement parmi les clients, les candidatures spontanées affluent et trois nouvelles embauches sont formalisées. Bien que ces trois nouveaux collaborateurs ne soient pas tous appareillés et ne communiquent pas facilement au départ, leur intégration se déroule sans problème. Après quelques mois, ils expriment le désir d’être polyvalents comme le sont leurs collègues « entendants » . Ils ne souhaitent plus être uniquement cantonnés à certaines tâches de cuisine ou d’entretien.
Des aménagements techniques simples
Si elle estime que les postes en relation avec la clientèle sont incompatibles avec le handicap des six jeunes gens, qui n’oralisent pas, pour la plupart, et ne lisent pas non plus sur les lèvres, Bénédicte Trasse s’attache à leur proposer d’autres missions. L’organisation originelle des tâches selon McDonald’s permet une adaptation assez simple pour le personnel sourd. En cuisine, les postes à frites, initialement équipés de signaux sonores rythmant les temps de cuisson, sont dotés de flashs lumineux. Aux postes « à filet de poisson, nuggets et mcbacon », où les employés préparent les commandes au fur-et-à mesure qu’elles leur sont signifiées oralement par leurs collègues, des écrans sont installés. La commande orale est remplacée par l’écrit, enregistrée sur un clavier puis transmise à l’intéressé. Grâce à cet aménagement technique simple, les salariés sourds peuvent travailler en complète autonomie et leurs collègues en totale confiance.
Parallèlement, les managers des huit restaurants bénéficient d’une initiation à la langue des signes pour apprendre les mots usuels « bonjour », « merci », « au revoir » … Celle-ci est dispensée gratuitement par une association parisienne.
Partenariats publics et privés
Une étude ergonomique des postes a été réalisée en amont des aménagements techniques par un médecin du travail. Sur la base de ses informations, complétées par les réflexions du directeur franchisé, Bénédicte Trasse contacte l’Agefiph pour connaître l’éligibilité de ces aménagements aux aides de l’association. Dans le même temps, le fournisseur de matériel de cuisine du restaurant est interrogé pour réaliser un prototype des adaptations. Celui-ci sera testé, en situation, dans le restaurant de Melun par les salariés sourds, puis intégré définitivement. Il n’aura fallu que quelques mois pour réaliser ces travaux qui ont finalement été pour partie pris en charge par l’Agefiph.
Des aménagements qui profitent à tous
Suite à cette première expérience, six autres travailleurs handicapés (présentant des déficiences auditives ou un handicap mental) ont été recrutés au sein des huit restaurants McDonald’s placés sous la responsabilité de Bénédicte Trasse. Neuf sont encore en poste, aujourd’hui, signalant, au passage, « le faible turn over constaté sur cette population comparé au reste du personnel » . Les aménagements techniques inaugurés à Melun ont été introduits dans quatre autres établissement. Contre toute attente, tous les salariés utilisent ces nouveaux dispositifs avec une grande satisfaction, faisant oublier ce pour quoi ils ont été conçus au départ. Le médecin du travail a pu constater que certains salariés sourds oralisent désormais. Un progrès qui est, selon lui, à porter au crédit d’un travail en milieu entendant où chacun a à cœur d’être autonome. Selon Bénédicte Trasse, « les difficultés de communication du départ ont fait place à un joyeux mélange et ont fait naître de belles histoires d’amitié. »
Le témoignage
Trasse Béatrice, directrice des ressources humaines
« Réticente au départ, très satisfaite aujourd’hui »
« Je l’avoue, j’étais très réticente au départ. Le personnel McDonald’s est composé de jeunes. Les retards, les absences, le turn over : je connais tout ça. Et j’avais peur qu’en recrutant des personnes handicapées, nous ajoutions encore à ces problèmes de gestion des ressources humaines. En outre, j’avais entendu parler d’expériences assez négatives liées à la difficulté de « cadrer » ces salariés. Or, je constate qu’ils sont très engagés, plus que certains autres. Ils sont concentrés sur leurs postes, parce que non réceptifs aux bruits environnants. Jamais en retard, hyper performants et moins sujets au turn over. Maintenant, je peux dire que je suis vraiment très satisfaite. »
La fiche d'identité de l'entreprise
- Groupe : McDonald's France
- Entreprise : McDonald's Ile-de-France
- Etablissement : Melun
- Activité : Restauration rapide
- Région : Ile-de-France
- Effectif entreprise : 46 650
- Effectif etablissement : 12 500 (Ile-de-France)
- Effectif TH de l'entreprise : 540
- Effectif TH de l'etablissement : 140 (Ile-de-France)
- Unités valorisables au titre de la sous-traitance : nc
- Accord d’entreprise : NON
- Convention Agefiph : NON
- Contact : Trasse Béatrice (directrice ressources humaines) :
- Mise à jour : 25/03/2008
La fiche technique
- Durée de mise en œuvre : plusieurs mois
- Nombre de salariés concernés : 12
- Type de handicap : auditif
- Aménagements :
- techniques : oui
- organisationnels : non
- de formation : non
- Financement : Agefiph, McDonald's
- Partenaires : association spécialisée dans la langue des signes, cabinet de recrutement, médecin du travail, fournisseur de matériel de cuisine.