De plombier-chauffagiste à microbrasseur : le pari fou de La Mer à boire
Un démarrage sur les chapeaux de roue
Après dix-huit années de gendarmerie, Alain Estrade réoriente sa vie professionnelle en 2004 pour devenir artisan plombier-chauffagiste. Des problèmes de dos qui surgissent à cette période le contraignent à s’arrêter de plus en plus souvent jusqu’à compromettre son activité. Déclaré inapte en 2013 par le RSI, le régime social des indépendants, il est alors orienté vers l’Agefiph et Cap Emploi pour amorcer une nouvelle reconversion professionnelle. Un temps, il envisage le métier de diagnostiqueur technique immobilier puis abandonne l’idée. Il pratique à l’époque la brasserie au sein d’une association de Montpellier. Ce loisir va progressivement inspirer sa nouvelle réorientation professionnelle. D’abord aidé par un réseau d’aide à la création d’entreprises de Narbonne pour le montage d’un business plan, il est bientôt suivi par l’Agefiph. Elle finance une formation préliminaire d’un mois à l’Institut Français de la brasserie et de la malterie de Nancy pour acquérir les bases techniques du métier (process, biochimie…) et lui octroie une aide à la création de l’entreprise. Sa micro-brasserie La Mer à boire est officiellement lancée le 1er janvier 2016 en lieu et place de son ancien local de plombier-chauffagiste. L’activité prend vite : la gamme des cinq premières bières plaît beaucoup, le graphisme est attrayant et le bouche-à-oreille fait le reste. Mais au bout de 18 mois, Alain Estrade ne peut plus fournir au même rythme sans risquer d’aggraver son état de santé.
Des douleurs persistantes
Il recontacte alors Cap Emploi Aude qui vient réaliser un diagnostic de son poste de travail. Plusieurs aménagements techniques sont réalisés, cofinancés par l’Agefiph. Il s’agit d’une table élévatrice qui l’aide à verser les sacs de 25 kg de malt dans la cuve, à préparer les caisses de chargement dans le véhicule et à poser les bouteilles vides à hauteur pour l’embouteillage. Il fait également l’acquisition d’un gerbeur électrique pour le déchargement des palettes de malt et des bouteilles vides. Grâce à ces nouveaux moyens, Alain Estrade peut répondre à l’accroissement de son activité. De 80 hectolitres la première année, il passe à 220 trois ans plus tard (soit 65 000 bouteilles de 33 cl). Victime de son succès, le microbrasseur recommence à souffrir de son dos et en particulièrement des vertèbres cervicales. En 2019, de nouvelles restrictions sont recommandées par son médecin traitant pour limiter au maximum les efforts avec les bras levés. Cap Emploi Aude intervient une nouvelle fois, « avec beaucoup de réactivité », souligne l’intéressé.
Une fin de carrière sous les meilleurs auspices
Le nouveau diagnostic de Cap Emploi préconise l’automatisation du plus grand nombre des tâches de manutention/manipulation. L’Agefiph accepte de participer au financement d’une nouvelle embouteilleuse/étiqueteuse qui lui permet de traiter seul 1 500 bouteilles en 2 heures alors qu’il lui fallait auparavant 3 jours. Une seconde table élévatrice et un siège assis/debout viennent compléter son équipement. L’aide financière de l’Agefiph et les prévisions de ventes estivales emportent sa décision d’investir dans un appareil de brassage de double capacité (de 2 à 5 hectolitres). Alain Estrade peut dès lors envisager l’avenir plus sereinement. Il dispose de suffisamment de trésorerie pour acheter la matière première l’hiver, à la saison creuse, afin de brasser le plus possible et de constituer des stocks pour la haute saison, l’été. Il ouvre un petit point de vente sur la plage, non loin de la brasserie, où son épouse l’aide de temps en temps. La Mer à boire connaît enfin la rentabilité. Quelques tâches de manutention et de nettoyage subsistent mais le microbrasseur peut aussi compter sur l’aide de son fils, intéressé pour reprendre l’entreprise d’ici un an ou deux quand il partira à la retraite. Employé chez Airbus à Toulouse, il a obtenu un mi-temps pour reprise d’entreprise qui lui permet de travailler avec son père, deux jours par semaine.
TÉMOIGNAGE
Alain Estrade, microbrasseur « L’aide de l’Agefiph m’a permis de bien dimensionner mon entreprise »
« Le métier de brasseur artisanal est très dur et très répétitif. L’engouement des jeunes est réel mais beaucoup arrêtent vers 35 ans à cause de cela. Toutes les semaines, il faut brasser. Moi, j’en ai 57 et c’est deux fois par semaine ! Je verse chaque fois cinq sacs de 25 kg de malt dans l’appareil. Il faut ensuite sortir les résidus, tout nettoyer. C’est très physique. L’aide de l’Agefiph m’a permis de bien dimensionner mon entreprise afin de pouvoir en vivre et pérenniser l’activité. Si mon fils prend la suite, il bénéficiera lui aussi de tous ces aménagements qui l’aideront au quotidien à rester en bonne santé. »
FICHE D’IDENTITÉ
Entreprise : La Mer à boire
Région : Occitanie
Activité : Microbrasserie
Effectif : 1
Effectif TH : 1
Unités valorisables au titre de la sous-traitance : nc
Accord agréé : non
Convention : non
Contact : Alain Estrade, gérant – brasserielameraboire@free.fr
Mise à jour : 18/01/2022
FICHE TECHNIQUE
Nombre de personnes handicapées concernées : 1
Type de handicap : physique
Aménagements
- techniques : oui
- organisationnel : non
- formation : oui
Financements : La Mer à boire, Agefiph
Partenaires : Cap Emploi Aude, BGE de Narbonne (création d’entreprise)