Témoignage Entreprise

De nouvelles perspectives pour un serrurier malentendant victime d’un accident domestique

Déclaration d’inaptitude partielle en raison de sa déficience auditive, mobilité réduite suite à une déchirure abdominale : Jean-Michel, serrurier depuis plus de 25 ans à la Chaudronnerie Cepa, près de Bordeaux, craint pour son emploi, d’autant plus que l’entreprise change de direction… Cinq ans plus tard, il est toujours en poste, avec de nouvelles responsabilités.

L'expérience

Fiche rédigée le 13/02/08

Loi des séries pour Jean-Michel

Serrurier depuis 1978 à la Chaudronnerie Cepa, installée à Carbon-Blanc, près de Bordeaux, Jean-Michel confectionne à la main des pièces et des produits (grilles, portails, bacs de rétention…) en acier, inox et aluminium. Il effectue généralement le déplacement chez les clients pour effectuer les métrages nécessaires à la réalisation de la commande et assurer la pose. Pendant des années, son importante déficience auditive n’entrave aucunement sa vie professionnelle. Mais, en 2005, la médecine du travail marque le pas. À l’issue d’une visite médicale, elle décide de contre-indiquer « les interventions sur chantiers extérieurs » - trop « accidentogènes » - et préconise le confinement dans les locaux de la chaudronnerie qui constituent pour le serrurier un « environnement de repères permanents et connus » .
Au cours d’un arrêt de travail programmé pour une intervention chirurgicale bénigne, Jean-Michel est victime d’un accident domestique et se fait une déchirure abdominale. Il en garde des séquelles au niveau du dos qui vont le contraindre, après avis médical, à limiter le port de certaines charges et lui interdire certaines postures du tronc. Parallèlement, l’entreprise change de direction. Le salarié a quelques craintes pour son poste.

Reprise progressive et aménagements techniques de l’atelier

Jean-Michel aime son métier et souhaite continuer à l’exercer. Son employeur se montre plus circonspect. Mais le médecin du travail, accompagné du Sameth, parvient à le convaincre de faire un essai dans le cadre d’un mi-temps. Cette décision est assortie d’un allègement des tâches confiées au salarié, qu’il effectue sous surveillance, en attendant que son poste soit complètement réadapté.
Pour pallier le handicap auditif de Jean-Michel, l’ergonome préconise un certain nombre de mesures (comme le rangement systématique de l’atelier) et d’aménagements afin de sécuriser ses déplacements et lui donner davantage de repères.
Son accès aux machines situées en dehors de son atelier est ainsi facilité par la matérialisation d’un chemin piéton. Pour augmenter les contrastes visuels, la base des machines est peinte en couleurs vives. Les zones de travail sont clairement identifiées. L’atelier de Jean-Michel est équipé d’un téléphone avec signal d’appel lumineux. Pour lui épargner contorsions et port de charge, une table roulante élévatrice à ciseaux et un palan électrique à translation motorisée lui sont fournis. Enfin, des éclairages spécifiques, visant à renforcer la luminosité ambiante, sont installés.

Un challenge pour leSamethet l’ergonome

Dès la première décision concernant les interventions de Jean-Michel sur les chantiers extérieurs, le médecin du travail sollicite le Sameth pour sensibiliser la direction de la chaudronnerie à la situation du salarié. Le rôle du Sameth prend de l’importance avec la déclaration d’inaptitude concernant le port de charges. Les réticences du gérant sont manifestes. Il est devenu très prudent suite à l’accident professionnel d’un autre salarié, quelques années plus tôt. Finalement, il accepte l’idée d’aménager l’atelier. Un ergonome est sollicité pour trouver des solutions organisationnelles et techniques en vue du retour de Jean-Michel dans l’entreprise. Son intervention et les aménagements réalisés sont partiellement pris en charge par l’Agefiph.

La passation du « dossier » de Jean-Michel entre le précédent directeur et le nouveau ne s’effectue que le jour de la présentation du rapport de l’ergonome. Jean-Jacques Beau découvre alors les faits. Sur le moment, aucune décision n’est prise. C’est lui qui finalement conduira les aménagements à leur terme avec l’aide du Sameth.

De nouvelles attributions pour le serrurier

Au fil du temps, Jean-Jacques Beau confie différentes autres tâches à Jean-Michel. L’absence de chef d’atelier dans la chaudronnerie et l’obligation faite au serrurier de ne pas quitter l’établissement constituent l’opportunité de lui confier la responsabilité de l’organisation des moyens communs : approvisionnement en consommables (gants, visseries…), en gaz, en oxygène, entretien des locaux, des machines, gestion des entrées et sorties de pièces, positionnement des postes de travail… Jean-Michel s’acquitte de cette mission transversale avec beaucoup de rigueur. Il a gagné en confiance et a réussi à se faire accepter dans ce rôle par ses collègues, avec lesquels il n’a pas de rapports hiérarchiques. Son patron l’y a aidé en leur soulignant l’intérêt de cette « promotion » pour l’équipe. Cette nouvelle organisation, explique-t-il a pour objectif de « tirer l’activité par le haut » . Lorsque Jean-Michel « tire un peu la langue » physiquement, son patron lui donne l’autorisation d’étaler ses congés. Ainsi, il peut prévenir les coups de fatigue préjudiciables à sa santé en s’arrêtant quand il le souhaite. Au final, le serrurier a retrouvé la  stabilité professionnelle qu’il avait perdue en 2005.

Le témoignage

Beau Jean-Jacques, directeur

« Des efforts pour un homme qui s’est beaucoup investi pour l’entreprise »

« Je ne connaissais pas Jean-Michel quand j’ai repris l’entreprise mais il me paraissait évident de faire des efforts pour aider un homme qui s’était sûrement beaucoup investi pour l’entreprise auparavant. Pour moi, il y avait forcément une solution autre que le licenciement. L’engagement moral que j’ai pris vis-à-vis de ce salarié va bien au-delà de l’intérêt économique de l’entreprise. C’est de l’humain. Mais aujourd’hui, je sais que je peux compter sur lui comme lui a pu compter sur moi. Les autres aussi le savent. »

La fiche d'identité de l'entreprise

  • Entreprise : Chaudronnerie Cepa
  • Activité : Chaudronnerie
  • Région : Aquitaine
  • Effectif entreprise : 18
  • Effectif TH de l'entreprise : 1
  • Unités valorisables au titre de la sous-traitance : nc
  • Accord d’entreprise : NON
  • Convention Agefiph : NON
  • Contact : Beau Jean-Jacques (directeur) :
    chaudronnerie.cepa@wanadoo.fr
  • Mise à jour : 25/03/2008

La fiche technique

  • Durée de mise en œuvre : 36 mois
  • Nombre de salariés concernés : 1
  • Type de handicap : auditif et moteur
  • Aménagements :
    • techniques : oui
    • organisationnels : oui
    • de formation : non
  • Financement : Chaudronnerie Cepa, Agefiph
  • Partenaires : médecine du travail, Girpeh Aquitaine (Sameth), ergonome
Publié le 20 septembre 2010