Chez Idemia, une salariée « multi-dys » révèle son potentiel

Fleuron français de la sécurité numérique, le groupe Idemia est spécialisé dans la conception, le développement et la fabrication de cartes à puce destinées à la téléphonie mobile, au paiement, aux transports ou encore aux documents d'identité sécurisés. Certaines de ces cartes sont fabriquées sur le site industriel de Fontaine-lès-Dijon. Âgée d’une quarantaine d’années, Aline y a intégré la direction des ressources humaines en 2008 comme assistante RH. Pendant près de sept ans, elle a dissimulé son handicap par peur d’être jugée ou discriminée. « Je suis multi-dys, explique-t-elle. Je suis à la fois dyslexique, dysorthographique et je souffre de dysproprioception. Cela signifie que j’ai des difficultés de repérage dans l’espace. Cela a gâché ma scolarité. On me considérait comme un “cas social” et une analphabète. Par esprit de revanche, je me suis mise en tête de faire des études pour montrer ce dont j’étais capable. Je me suis inscrite au CNAM et j’ai finalement décroché un DESA* administration et gestion du personnel de niveau bac+4 ! » Au sein de l’entreprise, Aline parvient à faire bonne figure tant que ses missions portent sur la gestion du temps et des intérimaires. Mais sa situation se complique singulièrement lorsqu’on lui demande de rédiger les contrats de travail. Elle devient plus délicate encore avec l’arrivée d’une nouvelle responsable RH, Chantal Chesnais. Aline est alors convaincue que ses jours au sein du service sont comptés. C’est pourtant tout le contraire qui se produit.

« Quand j’ai compris ce qu’elle vivait, j’ai pris le parti de travailler sur ses forces. Il a fallu prendre un peu de temps pour gagner sa confiance et lui prouver qu’on avait des choses à faire ensemble », raconte Chantal Chesnais. Il apparaît très vite à la nouvelle responsable hiérarchique que si Aline présente des difficultés pour lire et écrire, elle est en revanche attirée par la complexité. « Il est inutile de lui demander un rapport de 15 pages sans faute, poursuit-elle, mais lorsqu’il s’agit de trouver des solutions pour automatiser des fichiers ou croiser des tableaux de données, elle est la bonne personne car elle est très créative. » Dans le service, tout le monde finit par s’accorder sur le fait que « quand c’est compliqué, c’est pour Aline » ! L’intéressée, qui bénéficie évidemment des formations nécessaires, en tire une grande fierté. Autre stratégie pour compenser ses difficultés : la diversification de ses missions. « Je me lasse très vite, explique-t-elle. Quand une tâche m’ennuie, j’ai tendance à décrocher et à faire des erreurs. Passer d’une activité à l’autre me permet de rester concentrée. » Aline gère donc de nombreux dossiers : les intérimaires, la santé au travail, les relations avec les élus de la CSSCT (ex-CHSCT) et le handicap. Comme il est malgré tout difficile d’échapper à la lecture et à l’écriture, l’entreprise a fait appel à Cap emploi et à l’Agefiph pour mettre en œuvre des solutions techniques afin de compenser les difficultés d’Aline. Son poste a été équipé d’un logiciel doté d’une synthèse vocale pour lire les textes, d’un correcteur orthographique spécifique et d’une fonction dictée vocale. Un ergothérapeute lui a par ailleurs donné quelques conseils pratiques : écrire des phrases courtes, utiliser les polices de caractères les plus lisibles, etc. « J’ai aussi testé une lampe de bureau spécifique qui améliore les contrastes. Le gain en termes de fatigue visuelle est énorme sur ma journée », constate-t-elle.

Au final, les difficultés rencontrées par Aline lui apportent autant d’opportunités pour évoluer professionnellement. Désignée référente handicap, elle se voit bientôt proposer de suivre une formation certifiante au « management ergonomique des postes de travail. « Me former ne me fait pas peur », commente la salariée qui affiche une curiosité et une envie d’apprendre sans limite. « Sa motivation est d’autant plus forte qu’elle se sent soutenue, confie Chantal Chesnais. Nous sommes dans un cercle vertueux : plus on lui donne confiance en elle, plus ses troubles sont atténués et plus elle a envie d’aller de l’avant. » La discrète assistante RH d’hier est donc aujourd’hui « gestionnaire RH santé au travail » avec une spécialisation en ergonomie. « Quand un collaborateur est en difficulté, il peut la solliciter. Elle a d’ailleurs étudié et réorganisé tous les postes administratifs du site, à commencer par le mien ! », poursuit sa responsable hiérarchique. Le soutien et l’accompagnement qu’Aline a elle-même reçus contribuent à rassurer les salariés susceptibles de faire appel à ses services. De son côté, elle est plus motivée que jamais par ses nouvelles missions. Quoi de plus stimulant que d’imaginer de nouvelles actions pour sensibiliser au handicap et au bien-être au travail ou de nouer des relations avec des partenaires extérieurs ? Elle devrait cette année franchir une nouvelle étape puisqu’elle prépare cette année une certification « green belt » dans le cadre de la démarche d’amélioration continue d l’entreprise * DESA : diplôme d'études supérieures appliquées

Chantal Chesnais, responsable ressources humaines « Nous travaillons ensemble sur ses qualités sans nier ses difficultés »