Témoignage Entreprise

17 salariés handicapés recrutés et formés par une société de pyrotechnie

La société girondine Aquitaine Artifices, spécialisée dans la préparation et le tir de feux d’artifices, recrute et forme 17 collaborateurs handicapés, tous éloignés du milieu du travail. Elle double du même coup ses effectifs.


L'expérience

Fiche rédigée le 19/06/09

Une philosophie sociale et solidaire à la base d’un changement de pratique

Implantée à Aillas, en Gironde, la société Aquitaine Artifices réalise le plus gros de son chiffre d’affaires annuel de juin à septembre, période privilégiée pour les feux d’artifices. Ses équipes se déplacent partout en France, le week-end le plus souvent, pour assurer l’installation, les tirs et le nettoyage à l’issue du spectacle. Dans ce métier, la plupart des entreprises européennes s’approvisionnent en Chine pour les assemblages pyrotechniques (poudre compactée en grappes). Les prix attractifs pratiqués par le pays justifient largement cette habitude commerciale qui cache une autre réalité : celle du travail des enfants. Sonia Désiré, directrice des ressources humaines d’Aquitaine Services, a souhaité rompre avec ces pratiques et « rapatrier » cette activité à demeure, dans les locaux de la société. « Je travaillais auparavant dans le milieu de l’enfance maltraitée et du handicap. Du coup, j’ai introduit ma vision des choses et ma philosophie dans cette entreprise dont le gérant est un ami de longue date.

Un plan de recrutement de 17 collaborateurs handicapés

Fin 2008, Sonia Désiré lance un plan de recrutement d’une quinzaine de personnes, toutes handicapées. Elle contacte le Pôle emploi qui la dirige vers un Cap emploi. Son critère de recrutement ? « La motivation des candidats. Nous avons juste exclu le handicap mental en raison de la dangerosité de la manipulation de la poudre. Pour le reste, aucune exigence en termes de diplôme, de sexe ou d’âge. » Elle reçoit dans la foulée une quarantaine de CV par Cap emploi et par candidature spontanée. « J’ai reçu en entretien chacun des candidats pour que tous aient un temps de parole et d’échange. » Au terme d’une sélection difficile, elle en retient 17, «  atteints de maladies invalidantes pour la plupart, de 22 à 58 ans, manuels ou rieurs, bricoleurs ou illettrés, physiques ou très minutieux, blessés socialement. » Sûre d’elle, Sonia revendique ce mélange des genres, convaincue que le groupe les aidera à se remettre à flots grâce au travail. Début février, les nouvelles recrues sont en poste. Elles bénéficient au départ d’un planning allégé de 5 heures par jour, 3 jours par semaine « pour renouer progressivement avec une vie professionnelle » mais aussi « parce que l’activité requiert beaucoup de concentration. Travailler peu, c’est aussi limiter les risques d’accidents. »

Formation diplômante et tutorat à la clé

Tous bénéficient dès leur embauche d'une formation professionnelle au métier d'artificier, dispensée en interne, pendant une semaine. Cinq d'entre eux obtiennent ce diplôme professionnel, validé d'emblée par la Préfecture. « Pour les personnes illettrées, nous avions mis en place des « secrétaires » à qui elles dictaient leurs réponses d'examen. Les autres se représenteront plus tard et l'obtiendront progressivement, à l'exception de deux qui quitteront l'entreprise. À l'atelier d'assemblage, 4 formateurs-tuteurs encadrent en permanence cet effectif, réparti par équipes de 3 à 4. Le week-end, les artificiers accompagnent les chefs de tir, seuls habilités à tirer les feux d'artifice en raison de leur expérience. « Ils apprennent progressivement le métier parce qu'un jour, ils deviendront chefs de tir à leur tour », précise Sonia Désiré.

« Nous avons informé les chefs de tir avant le recrutement : tous étaient déjà imprégnés de cette philosophie très solidaire. Ils se sont sentis valorisés par la fonction tutorale que nous leur avons confiée. » Des réunions hebdomadaires sont organisées en interne pour évaluer les progrès de chaque salarié. Et lorsque des difficultés importantes se manifestent ? « J’appelle Cap emploi dont l’intervenant joue le rôle de médiateur. Il nous aide les uns comme les autres à revisiter certaines situations qui ont pu être mal vécues pour les dépasser positivement. »

Un groupe uni où chacun se sent protégé

« On a pu observer lors de leur embauche que les personnes étaient toutes très excitées à l’idée de retravailler, se souvient Sonia Désiré. Passée cette euphorie générale, les blessures d’avant ont réapparu parce que certains n’avaient jamais retravaillé depuis que leur maladie s’était déclarée. Comme ils en discutaient beaucoup, nous avons organisé, avec leur consentement, une grande réunion où chacun a  parlé de son handicap. Cela a été très fort émotionnellement. Depuis, ils sont devenus beaucoup plus solidaires entre eux. Lorsque l’un ou l’autre se plaint de douleurs, les autres l’écoutent davantage parce qu’ils connaissent mieux leurs problématiques respectives.

Aujourd’hui, tous travaillent 25 heures sur 5 jours, suivis de 3 jours incompressibles de repos. « Certains ont fait le deuil du salarié valide qu’ils ont été un jour : ceux-là sont à 100% dans l’entreprise et se montrent hyper impliqués. Les deux tiers restants sont encore en recherche psychologique et sont moins mobilisés sur leur travail. » Cependant, même si Sonia Désiré ne cache pas l’objectif de rentabilité visé par l’entreprise, elle sait que rien ne sert de bousculer le rythme de progression de chacun.

Pour autant, à l’approche de la haute saison et du 14 juillet pour lequel le carnet de commandes affiche déjà 180 prestations programmées, la directrice des ressources humaines a encore quelques incertitudes sur le caractère opérationnel des troupes. « Certains n’ont pas pris conscience que notre chiffre d’affaires se joue l’été. » C’est donc après la saison qu’Aquitaine Artifices fera le bilan complet de cette expérience.

Le témoignage

Désiré Sonia, directrice des ressources humaines

« Tout dépend de la motivation et des convictions personnelles de chacun »

« On ne peut pas gérer une société avec autre chose que ce que l’on est. Nous, notre philosophie, c’est d’être attentif à l’autre : aux clients comme aux salariés. Pourquoi avoir embauché autant de salariés handicapés ? Je pense que c’est plutôt aux entreprises qui n’en embauchent pas qu’il faut poser ce genre de question. La plupart est convaincue que c’est problématique d’embaucher des collaborateurs comme ceux-là, que cela va prendre du temps, retarder la bonne marche de l’entreprise, etc. Certes, ces personnes sont fragilisées, mais c’est aussi le cas de bon nombre de salariés aujourd’hui, dans le contexte que nous vivons. Notre force et la leur, c’est aussi d’avoir constitué un groupe. Ils s’y sentent protégés et il y règne une très bonne ambiance. Tout dépend de la motivation et des convictions personnelles de chacun. »

La fiche d'identité de l'entreprise

  • Entreprise : Aquitaine Artifices
  • Activité : Pyrotechnie
  • Région : Aquitaine
  • Effectif entreprise : 30
  • Effectif TH de l'entreprise : 15
  • Unités valorisables au titre de la sous-traitance : 0
  • Accord d’entreprise : NON
  • Convention Agefiph : NON
  • Contact : Désiré Sonia (Directrice des ressources humaines) :
    sonia@aquitaineartifices.com
  • Mise à jour : 01/10/2009

La fiche technique

  • Nombre de salariés concernés : 17
  • Type de handicap : maladies invalidantes
  • Aménagements :
    • techniques : non
    • organisationnels : oui
    • de formation : oui
  • Financement : Aquitaine Artifices, Agefiph, Pôle Emploi
  • Partenaires : Cap Emploi
Thématique
Publié le 17 septembre 2010