Consultation Agefiph-Ifop :les personnes handicapées veulent sortir de l’isolement
L’Agefiph et l’Ifop ont présenté, hier après-midi, à l’occasion d’un webinaire, la quatrième édition de leur consultation portant sur le vécu professionnel des personnes en situation de handicap. Alors que les trois premières éditions avaient notamment révélé une fragilisation des parcours pendant la crise, la quatrième vague de l’enquête dresse le bilan de l’évolution de leur situation et de leur ressenti. Réalisée en avril 2021 avec près de 8 000 répondants, soit presque deux fois plus que lors des vagues précédentes, elle révèle une impatience des personnes en situation de handicap de
Sortir de l’isolement et retrouver une dynamique collective
La crise a contribué à isoler fortement les personnes en situation de handicap au sein de leur équipe de travail (44%). Un sentiment renforcé depuis septembre 2020 (+10 points), qui pourrait expliquer que leur perception du télétravail se soit détériorée au fil des mois. L’isolement est en effet la crainte exprimée la plus forte : 67% des personnes interrogées ont affirmé la ressentir (+8 points par rapport à mai 2020 et +10 points par rapport à septembre 2020) tandis que les craintes d’une dégradation des conditions de travail, de perte d’emploi ou d’être contaminé restent relativement stables depuis mai 2020, voire en baisse.
La part d’actifs en situation de handicap estimant que le télétravail a eu un impact positif est en diminution par rapport à l’enquête de septembre 2020 (-10 points en moyenne) et ce, à plusieurs égards : efficacité (26%), conditions de travail (21%), état d’esprit (19%), motivation (19%), relations professionnelles (13%) et gestion de l’état de santé et du handicap (19%).
C’est la raison pour laquelle seuls 28% des personnes en situation de handicap souhaitent davantage télétravailler, un résultat bien en-deçà de l’ensemble des salariés (47%). En outre, une personne handicapée sur 5 ne veut pas y avoir recours. Enfin, seules 26% des personnes interrogées souhaitent travailler dans un lieu géographique différent, soit 9 points de moins que la population générale salariée.
Concernant les demandeurs d’emploi, leur niveau d’optimisme quant à la possibilité de trouver un emploi est assez stable depuis le début de la crise (28%), tout comme les difficultés liées à leur situation professionnelle : report ou annulation de formation (43%), interruption de mission de travail temporaire (15%) ou d’un contrat court (20%).
« Si certains indicateurs liés aux inquiétudes des personnes handicapées restent stables et prouvent que les acteurs du handicap et l’État ont joué leur rôle d’amortisseurs sociaux pendant la crise, cette population continue à vivre difficilement le télétravail en raison d’un sentiment d’isolement exacerbé. Ayant, dès le premier confinement de mars 2020, pressenti une potentielle recrudescence du stress et de l'anxiété des personnes en situation de handicap, l’Agefiph a rapidement mis en place une cellule d'écoute psychologique. Aujourd’hui, alors que la France sort progressivement du confinement, ce constat appelle à la mise en place de dispositifs complémentaires et adaptés aux besoins de personnes exprimant une certaine impatience à retrouver leur collectif de travail »,
souligne Malika Bouchehioua, présidente de l’Agefiph.
Un état psychologique préoccupant
Une augmentation importante de l’état d’anxiété et de dépression est constatée chez les personnes en situation de handicap. En moyenne, depuis mai 2020, ces sentiments se sont accrus de 10 points pour atteindre 77% (sentiments d’anxiété) et 66% (sentiments de dépression). De même, une dégradation de la santé mentale et physique est ressentie par près d’une personne interrogée sur deux (47% et 46%). La perception de dégradation de leur santé mentale a ainsi augmenté de 15 points depuis septembre 2020.
Ces constats entrainent un impact négatif sur la situation professionnelle globale : 79% des sondés affirment que la dégradation de leur état de santé a eu un impact assez négatif (48%) voire très négatif (31%) sur leur vie professionnelle. Aussi, de manière semblable à la population française, les personnes en situation de handicap pensent qu’il y aura un « avant » et un « après » crise sanitaire dans l’organisation du travail dans leur entreprise (69% le pensent et 74% des salariés français également).
Globalement, le « niveau de bonheur » observé chez les personnes en situation de handicap atteint la note de 5,4/10, un score moins important que celui de la population générale (6,8/10) qui traduit ainsi un moral détérioré des Français.
Par ailleurs, si la crainte la plus grande concerne la situation économique (60%) et notamment le fait de pouvoir trouver un emploi, l’optimisme des personnes en situation de handicap (38%) est comparable à celui de la population française (41%). Ainsi, depuis les précédentes enquêtes, si le pessimisme prédomine, aucune dégradation significative n’est constatée. On constate même un intérêt au travail supérieur à l’ensemble de la population salariée pour les personnes handicapées malgré une dégradation de leur situation plus importante.
Enfin, sur la vaccination, les personnes en situation de handicap, qui sont déjà 13% à être vaccinées, ont tout autant l’intention de se faire vacciner (55%) que la population française dans sa globalité (54%).
« Ces indicateurs démontrent que les personnes en situation de handicap sont marquées par la durée de la crise, 73% en ressentent durement les conséquences contre 51% pour l’ensemble de la population. Le nombre record de sondés ayant contribué à l’enquête semble traduire un véritable besoin de s’exprimer, de partager, voire d’alerter sur leur état d’esprit actuel »,
commente Frédéric Dabi, directeur-général adjoint de l’Ifop.
Ces marqueurs préoccupants invitent les employeurs et les acteurs du handicap et de l’emploi à rester particulièrement vigilants et à considérer sérieusement cette situation afin que tous les leviers existants puissent être mobilisés pour accompagner au mieux une population durement touchée par les risques psychosociaux et physiques liés à la crise.