J'ai le bon profil - Conférence tour Rennes
En présence de Sylvie Moisdon-Chataigner, Maître de Conférences HDR à la faculté de droit de Rennes, co-responsable du Master 2 « Situations de handicap et participation sociale », de Gilles Le Druillennec, fondateur de l’association « Barrez la différence », de Hadda Guerchouche, fondatrice de Impulsion Coaching Pro by Sport, vice-championne paralympique de natation et de Pascale Habic, chargée de mission diversité chez Groupama Loire Bretagne.
CONFÉRENCE RENNES
Le 26 février 2019
Cette 9ème étape du conférence tour, en partenariat avec Le Monde, est animé par Ronan LE MOUHAËR, journaliste.
Avec la présence de Sylvie Moisdon-Chataigner, Maître de Conférences HDR à la faculté de droit de Rennes, co-responsable du Master 2 « Situations de handicap et participation sociale », de Gilles Le Druillennec, fondateur de l’association « Barrez la différence », de Hadda Guerchouche, fondatrice de Impulsion Coaching Pro by Sport, vice-championne paralympique de natation et de Pascale Habic, chargée de mission diversité chez Groupama Loire Bretagne.
Didier EYSSARTIER, Directeur Général de l’Agefiph, expose l’ambition de réfléchir, débattre et recueillir des témoignages d’expériences lors de ces conférences.
Au niveau du gouvernement ; une réforme de l’obligation d’emploi qui se poursuit avec des décrets en préparation, une réforme de la formation professionnelle avec une dimension handicap particulière, une concertation sur l’offre de services proposés. Tout cela dans le but d’embarquer tous les acteurs dans ce défi sociétal que nous devons relever : celui de l’emploi des personnes handicapées, mieux accepter la différence et ainsi inclure toutes les personnes.
Catherine LOGEAIS, Déléguée Régionale de l’Agefiph Bretagne, explique les évolutions observées depuis 20 ans sur le sujet de l’inclusion des personnes en situation de handicap. Des évolutions sociétales dû aux personnes qui font bouger le système.
La bretagne est une terre de solidarité, de dynamisme économique et d’initiative. Les dispositifs de formation et reconversion professionnelle des salariés en inaptitude sont une initiative de la Bretagne. En Bretagne, 28 00 personnes handicapées sont à la recherche d’un emploi et plus de la moitié sont au chômage depuis plus d’un an.
Quand est-il de la définition de l’inclusion ?
Pascale Habic, a regardé directement dans Le Petit Robert cette définition d’inclusion : « rapport entre deux ensembles, l’un et inclut dans l’autre ». L’inclusion c’est donc de regarder la personne par rapport à ce qu’elle est, ses compétences. Lorsque l’inclusion est totalement intégrée au sein d’une entreprise, le handicap ne se voit pas car il a été totalement assimilé.
Sylvie Moisdon-Chataigner, explique cette notion d’un point de vue juridique. On trouve le terme d’inclusion dans le code de l’action sociale et des familles pour les questions de prise en charge des personnes en situation de handicap.
Elle définirait l’inclusion comme un objectif, une action que les acteurs doivent réaliser de par les dispositions légales mais aussi de par les solidarités sociales. Le terme est employé pour définir une action dans le cas de la compensation. D’un point de vue juridique la notion d’inclusion va suggérer qu’il y a un principe d’exclusion.
Hadda Guerchouche, préfère plutôt parler de système D ; avoir la capacité de se mettre de l’autre côté. En tant que personne handicapée, il faut se dépasser, être plus fort pour ne pas trainer dans la colère. Et se poser la question de comment faire pour que l’autre est confiance en toi.
Pascale Habic, continue en précisant que quand nous parlons de handicap il y a pleins de préjugés.
On ne prend pas une personne dans une entreprise parce qu’elle est handicapée. Il existe des aménagements de postes permettant de se concentrer uniquement sur les compétences de la personne.
Il faut rappeler qu’il y a 19% de taux de chômage pour les personnes handicapées et 3/4 des demandeurs d’emploi en situation de handicap ont un niveau de qualification inférieur au BAC.
Hadda Guerchouche, réagit sur ces chiffres pour que l’on prenne conscience que l’inclusion n’est pas énorme dans notre société. Elle a l’impression que l’on vit dans une société où la culture de l’effort se perd. Lorsque nous parlons de handicap, il faut penser aux différentes familles ; tout le monde n’a pas les mêmes problématiques. Les différences sont très variables ; il y a autant de situations différentes que de personnes en situation de handicap.
Mais il y a également un travail à faire auprès des personnes handicapées elles-mêmes qui n’acceptent pas toujours les autres et n’acceptent pas non plus d’être dans cette situation.
Gilles Le Druillennec, handicapé de naissance précise qu’il est primordial de connaître son handicap et de savoir l’expliquer pour ainsi être à l’aise avec.
Lors de ces interventions scolaires pour toucher les enfants ; au début les personnes sont surprises de voir le handicap et au final elles finissent par voir seulement la personne et plus le handicap : le regard change.
Ces interventions peuvent provoquer des rires ou des pleurs par le renvoi de l’image : chacun vit ses difficultés à sa manière.
Sylvie Moisdon-Chataigner : ce que l’on constate, c’est qu’il a quand même des dispositifs qui contraignent notre société et les entreprises et tous les différents acteurs, depuis globalement 1975. Nous sommes encore en train de négocier des temps d’attente pour dire que notre société n’est pas prête sur un certain nombre de dispositifs. Notamment, peut-être le plus emblématique, l’accès aux bâtiments publiques où il a fallu renégocier un agenda spécifique alors que les obligations existent depuis 1975.
C’est effectivement sûrement nécessaire qu’il y ait une discussion parlementaire, et donc un vote de loi sur ce type de questions car cela engage notre société et cela permet de poser un cadre.
Cependant, l’application de sanctions est contreproductive. Ce qu’on attend c’est surtout des évolutions de comportements au profit des personnes en situation de handicap et ces évolutions profitent d’ailleurs à tous.
Ces chiffres communiqués plus haut, sur le taux de chômage des personnes en situation de handicap, ne vont pas dans le sens de la dynamique du groupe Groupama. Dans ce dernier, tout le monde est handi accueillant.
Les entreprises sont un échantillon de la société, même si chacune d’entre elles ont des valeurs propres et qui sont communiqués et affichées.
Groupama a réalisé une action marquante. La mise en place au sein du groupe du dispositif « Un jour, un métier », proposé par l’Agefiph, qui permet d’accueillir le temps d’une journée une personne en situation de handicap pour ainsi permettre de découvrir un métier.
Ce dispositif a été proposé à l’ensemble des collaborateurs et ils ont ainsi reçu 30 invités. Le bilan, réalisé après une petite enquête côté invité et côté collaborateurs : uniquement des verbatims positives. La deuxième année de mise en place de ce dispositif, Groupama a accueilli plus de monde encore.
Hadda Guerchouche, ne supporte pas que l’on parle de « personne en situation de handicap », parce que pour elle on tourne autour du pot. Elle est de la génération « personne handicapée » et ce qu’elle trouve marrant est que l’on parle de « situation de handicap » et c’est la « maison départementales des personnes handicapées » ; ce n’est donc pas logique.
Sylvie Moisdon-Chataigner, répond à cela ; la loi de 2005 a fait évoluer la définition du handicap. Elle l’a donc intégré dans un texte précisément et pour prendre en considération les éléments contextuels donc juridiquement ça a un avantage : c’est que cela oblige les différents acteurs à prendre en considération l’identité et prendre aussi en considération le contexte. C’est donc un avantage et cela résonne beaucoup plus pour un juriste.
Les chercheurs souhaitaient même supprimer la notion de handicap. Car à force de prendre en considération cette catégorie, ça la stigmatise et ça a un effet inverse qui va être d’être discriminant.
Pour Gilles Le Druillennec, la reconnaissance s’est faite très tard. En effet, il a souvent été bloqué face à ces interlocuteurs qui lui disaient qu’il était incapable de faire telle ou telle chose. Il a contacté l’Agefiph pour faire valoir ses droits et ainsi avancer. Lorsqu’il a voulu être conducteur de car, cela a été très dur pour que les personnes passent au-dessus de ce handicap et lui fassent confiance en acceptant de vérifier ses compétences ; c’est à ce moment-là que la barrière du handicap s’est retiré car ils ont observé qu’il était totalement capable.
Certains salariés n’osent pas dire qu’ils sont handicapés alors que les collègues peuvent comprendre les situations et que ça aide à l’inclusion.
Chez Groupama, ils n’incitent pas les personnes à être reconnu travailleur handicapé mais ils expliquent l’intérêt d’avoir une RQTH, qui donne des droits, et de faire la démarche pour ainsi adapter le poste et proposer un accompagnement. Souvent les personnes ne veulent pas avoir recours à ce dispositif car ils ne se considèrent pas comme étant handicapés.
De plus, nous mettons en opposition valide et handicap. Mais ce n’est pas parce qu’on est handicapé qu’on n’est pas valide. Ce sont deux choses totalement différentes. On confronte souvent ces deux mondes alors que, par exemple, c’est comme si nous comparions la pâtisserie et la cuisine : ce sont deux univers proches mais qui restent différents.
Pour répondre à cela, Hadda Guerchouche reprend la parole. Lorsqu’elle parle avec ses amis handi, ils se rendent compte qu’ils sont dans un autre monde. Lorsqu’elle voit des enfants en milieu scolaire avec des handicaps visibles et qu’on insiste dans le milieu des valides alors que personne ne leur ressemble et qu’ils ont leur AVS tout le temps avec eux ; elle s’interroge alors car avant pour elle on parlait d’intégration et là c’est de la désintégration.
Gilles Le Druillennec, a lui d’abord été placé dans une école spécialisée afin d’apprendre les « bases » pour ensuite être mieux inséré dans le milieu ordinaire. Cela a très bien fonctionné.
Il trouve qu’il a une personnalité grâce à son handicap. Ce dernier ne peut pas être gommé. Grâce à son handicap, il avance et lorsqu’il est embauché cela apporte un plus à l’entreprise.
Sylvie Moisdon-Chataigner : on dit que tout commence à l’école mais quand est-il des établissements spécialisés qui au final peuvent favoriser l’exclusion ? en entendant tous les discours aujourd’hui, elle se rend compte que la question n’est pas du tout tranchée ; les avis divergent. Sur les deux invités en situation de handicap, l’un pense que les personnes handicapées évoluent mieux entre eux et l’autre s’adapte à chacun des milieux entre toutes les personnes quelque que soit leur situation.
Juridiquement, toutes les situations sont prises en compte, c’est-à-dire qu’il faut permettre le développement d’institutions pour protéger les personnes et les prendre en charge au nom des solidarités, mais aussi permettre le cheminement des parcours dans le milieu ordinaire. L’idée c’est aussi que ce soit la personne qui choisit le meilleur chemin.
Hadda Guerchouche a grandi en institution et cela n’a pas été frein. Par rapport au handicap il y a une préparation à avoir, avoir conscience de son handicap. Il faut savoir si l’on veut subir son handicap, le fuir ou bien agir !
Cependant, elle soulève le fait qu’il manque de modèle en situation de handicap. Elle souhaiterait que l’on en voie plus à la télévision par exemple afin que les personnes handicapées puissent se rendre compte qu’ils peuvent avoir les capacités pour faire toutes ces choses.
Dans certains films à succès qui traite de ce sujet, Intouchable par exemple, l’acteur qui joue la personne handicapée n’est pas elle-même dans cette situation.
Sylvie Moisdon-Chataigner rebondit ; ce sont les personnes qui prennent les décisions, d’un point de vue protection des droits, le fait que l’on prenne en considération les droits fondamentaux, les libertés individuelles, vont conduire aussi à valoriser ces engagements et les prises de décision.
Le fait que systématiquement on ne va pas mettre en place des mesures de protection pour des personnes en situation de handicap car on ne pas considérer de manière automatique qu’elles ne sont pas capables de prendre des décisions. Nous avons donc de ce côté-là, clairement une évolution extrêmement positive sur ces questions-là.
Sur les questions de l’entreprise, on a quand même évolué, comme on le disait, en prenant en compte les compétences mais on a encore du contentieux. Toute la difficulté est de prouver que c’est ce facteur-là qui a conduit à un licenciement, une rupture de carrière, … on a quand même une institution très aidante : le défenseur des droits, qui va accompagner les entreprises ou accompagner les personnes en situation de handicap pour défendre leurs droits. La difficulté et la question qui se pose c’est est-ce que ce sont des personnes qui vont systématiquement aller dans du contentieux ou au contraire fuir et subir leurs aléas car ils n’arrivent pas à le prouver ? c’est difficile à savoir mais en tout cas nous avons les éléments pour permettre la défense de ces droits.
Gilles Le Druillennec, propose un spectacle, qui se traduit par un moment éphémère, qui peut avoir un impact sur le long terme. En effet, c’est un spectacle relié sur YouTube et les personnes assistent à un moment de vie humoristique et vivant : ça rentre dans le corps et dans la tête et donc pleins de questions se dégagent de ce spectacle. Les salariés qui y assistent ont un renvoi de choses qu’ils peuvent aussi vivre. Les personnes sont actives pendant la représentation et cela favorise la mémorisation.
Hadda Guerchouche, propose des séances de coaching sur du long terme.
Les personnes accompagnées sont déjà désireuses d’un changement ; c’est du codéveloppement.
Dans une société où chacun tente de se différencier/démarquer mais tout le monde se ressemble et en même temps les personnes handicapées veulent gommer leurs différences alors qu’elles pourraient être perçues comme étant une chance.