J'ai le bon profil - Conférence tour Orléans
En présence de Dora Blasberg, psychologue du travail détachée auprès de l’Association L’Hippocampe, Pierre Bouby, footballeur professionnel à l’US Orléans, Dominique Lerch, historien, Christopher Maublant, ébéniste professionnel fondateur de « Ebenist’art » et François Polverel, fondateur de la startup Axego.
CONFERENCE ORLEANS
Le 14 mai 2019
10ème étape du Conférence Tour de l’Agefiph, en partenariat avec le journal Le Monde, animée par Christine Berkovicius, journaliste.
En présence de Dora Blasberg, psychologue du travail détachée auprès de l’Association L’Hippocampe, Pierre Bouby, footballeur professionnel à l’US Orléans, Dominique Lerch, historien, Christopher Maublant, ébéniste professionnel fondateur de « Ebenist’art » et François Polverel, fondateur de la startup Axego.
Arnaud Leveque, Délégué régional de l’Agefiph, rappelle la forte ambition portée par le gouvernement en privilégiant l’emploi direct.
L’inclusion met en lumière la place de plein droit de toutes les personnes handicapées dans la société quelles que soient leurs caractéristiques. Il est aujourd’hui primordial de contribuer au changement du regard, de lutter contre les stéréotypes et contre les préjugés négatifs ; c’est le travail au quotidien de l’Agefiph mais aussi de tous les acteurs dans ce domaine.
Quelques points au niveau de la région : aujourd’hui, quasiment 18 000 personnes handicapées sont inscrites comme demandeur d’emploi ; c’est hélas encore une progression sur l’année 2018 de 1,3%.
70% des personnes en situation de handicap ont un niveau infra bac ; cela traduit un besoin de qualification important pour ces personnes.
Le nouveau positionnement de l’Agefiph, en matière de formation, c’est ce qu’on appelle la ressource handicap formation : ressource qui va se développer et qui va voir le jour dans les semaines qui viennent en région Centre-Val de Loire.
Elle a pour but de rendre un service à tous les acteurs du droit commun avec une double ambition : mettre à disposition des organismes de formation du droit commun et suivi de la formation en veillant aux besoins de compensation au démarrage de cette formation, et ainsi accompagner les acteurs du droit commun pour rendre l’appareil de formation plus inclusif et les professionnaliser sur le champ de l’accessibilité.
C’est une des 39 actions retenues dans le cadre du pacte d’investissements dans les compétences sous l’impulsion de l’état et de la région.
Il y a actuellement une prise de conscience des entreprises qui envisagent désormais la question du handicap et la mette souvent en œuvre via la qualité de vie au travail (politique RH au global). L’entreprise inclusive est réellement à l’ordre du jour.
Dominique Lerch est agrégé d’histoire et inspecteur d’académie. Il a anciennement dirigé l’institut national qui est chargé de former les enseignants qui exercent dans le domaine du handicap.
Il nous explique que la formation des enseignants a été singulièrement réduite et cela pose problème de ne pas avoir des enseignants correctement formés sur le sujet. Il s’agirait d’obtenir au moins une petite formation de quelques heures pour tous les enseignants, ce qui est cependant difficile d’un point de vue financier. Il faudrait également sensibiliser l’ensemble des élèves pour que ceux en situation de handicap soient bien entourés sans être jugés.
Depuis 2005, tout enfant handicapé à droit à être scolarisé en milieu ordinaire dans l’école de son quartier. On a aujourd’hui 340 000 enfants scolarisés contre 100 000 en 2006. Mais cela a été fait sans aucun effort de formation.
Dans la globalité des enfants handicapés en école primaire, il y en a 20% qui sont en institut médico sociaux ou à l’hôpital. Qualitativement on a un effort considérable à faire. Il faut également savoir que, par exemple, pour être formé à s’occuper d’un enfant trisomique il faut un an de formation de l’enseignant...
Les opérations pleines d’humanité sont à valoriser, ce sont elles qui font que le contact a été pris ; grâce à des porteurs de projets qui ne courent pas après l’argent.
Il y a également des pistes liées à l’informatique qui sont extraordinaires, à conditions qu’on les travaille avec les personnes concernées et avancer de manière à fournir le maximum d’instruments développés pour chaque handicap, et gratuitement.
Dora Blasberg, psychologue du travail de formation, travaille chez EDF à la centrale nucléaire de Chinon dans le domaine du management des compétences. De plus, elle est détachée de l’entreprise une fois par semaine dans une association : L’Hippocampe, qui a une action nationale en faveur de l’inclusion des personnes handicapées aux plans social, culturel, professionnel, ... Elle-même en situation de handicap, elle souffre de deux maladies orphelines dont une qui touche les os.
Malgré cela, elle a réalisé de belles études universitaires alors que seulement 2% des personnes handicapées arrivent à suivre un parcours en études supérieures.
Son handicap, elle l’a découvert à l’âge de six ans et cela n’a pas changé le regard que son entourage pouvait lui porter. Elle a bénéficié d’aménagements particuliers lors de sa scolarité : adaptation des cours de sport, plus de temps lors des examens, une personne qui prenait des notes pour elle à l’université lors de ses périodes de crises, …
Personne ne peut se douter de son handicap si elle ne le dit pas, elle s’est donc posé la question de le dire ou non lors de sa recherche d’emploi.
Elle a finalement décidé de le mentionner sur son CV, tout en précisant néanmoins que son handicap était sans conséquence. Elle a au final été recruté chez EDF, et cette entreprise l’a prise car elle avait cette reconnaissance.
L’association Hippocampe, dont elle fait partie, a été fondé à Tours et œuvre pour l’inclusion des personnes handicapées au niveau national voir européen. Le but est de montrer au monde de l’entreprise que les personnes en situation de handicap ont des compétences et des capacités et qu’il est primordial de voir cela avant le handicap.
La fondatrice a eu l’idée d’œuvrer pour l’insertion des personnes handicapées via le biais de la culture, et notamment les bandes dessinées et les courts métrages.
Ces deux sujets culturels donnent lieu à deux évènements chaque année.
Le premier, permet à toutes personnes de s’exprimer sur le domaine du handicap au travail via des courts-métrages. Ces derniers sont présélectionnés puis jugés par des grands noms du cinéma français.
Ainsi, cela offre la possibilité aux personnes handicapées d’être valorisées via leurs œuvres. C’est aussi l’occasion d’inviter les entreprises pour échanger et briser la glace.
Le deuxième évènement, est un concours de bandes dessinées où les enfants et les adultes en situation de handicap créés une BD individuelle ou collective. Lors de la sélection du jury, on ne connaît absolument pas la personne qui se trouve derrière l’œuvre et donc le handicap qui l’accompagne. Cela permet un changement de mentalité et prouve que le handicap n’empêche pas le talent.
Cela doit se traduire dans le monde de l’entreprise ; voir en premier lieu les compétences et les capacités. Il s’agirait, finalement, de ne plus avoir à parler d’inclusion des personnes en situation de handicap et que cela devienne la normalité ; nous ne devrions plus avoir à sensibiliser sur ce sujet et qu’il rentre dans les mœurs.
Pierre Bouby, footballeur professionnel qui évolue en ligue 2 est également connu comme chroniqueur dans Les Grosses Têtes. Il est parrain de deux associations qui œuvrent, en partie, auprès des enfants handicapés : Apprentis d’Auteuil et Un jour meilleur.
Il nous explique qu’il existe depuis un petit moment du Football pour les déficients visuels ; c’est un match avec des petits terrains et une cloche dans le ballon qui permet de pouvoir se déplacer. La première fois qu’il a vu un tel match, il a été assez surpris du niveau car il y a un développement de tous les autres sens qui interagissent.
Il a un regard très positif sur le handicap, ce qui est pour lui primordial dans le domaine sportif, et cela lui a permis de faire de très belles rencontres.
Il est très actif sur Twitter pour sa e-réputation et c’est, par ce biais, qu’il s’est lié d’amitié avec un garçon qui est myopathe. Le numérique permet de rencontrer des personnes de manière différente : on voit d’abord ce qu’elles sont intérieurement avant de voir le physique.
Dans la société, le but n’est pas de se mettre à la place des personnes en situation de handicap mais les respecter et les inclure comme tout le monde, c’est très important. Il faut également prendre en compte les sensibilités de chacun et avoir confiance en l’autre. Le souci de la société est qu’elle inculque, aux personnes handicapées, la peur d’être jugé.
Il ajoute que si une personne handicapée est meilleure qu’une autre personne, c’est cela qu’il faut voir au sein d’une entreprise.
Il conclut sur le fait que l’on arrive dans une société où le travail manuel est de moins en moins demandé et avec l’aire du numérique tout le monde peut avoir des compétences dans tous les secteurs et ainsi ne pas avoir besoin de performer au niveau physique.
Christopher Maublant, a fondé son entreprise de fabrication et de restauration de meubles il y a un an : Ebenist’art. Il est déficient visuel de naissance et a donc un champ visuel très limité.
A l’école, il a préféré passer pour un mauvais élève plutôt que d’afficher son handicap ; une période où il s’est tout de même senti très seul. Ses parents ont été mal accompagnés pour sa scolarité qui a été très compliquée : moqueries, injustice, …
Après la primaire et le collège, il a décidé de faire un apprentissage en mécanique et a obtenu de très bons résultats. Néanmoins, on l’a ensuite qualifié d’inapte.
Il a ensuite enchaîné des petits boulots durant trois ans mais a vécu des échecs à chaque fois car les patrons ne voulaient pas « s’embêter avec un handicapé ». Il a ensuite perdu toute confiance en lui.
Il a ensuite décidé de créer son entreprise en ébénisterie, milieu dans lequel il réussit très bien grâce à son touché très développé. Il a aussi réussi grâce à la subvention à la création d ‘activité de 5000 euros offerte par l’Agefiph.
Il a également décidé de monter un projet qui permet d’offrir du mobilier adapté aux personnes handicapée grâce à des financements participatifs.
L’avenir de son entreprise, il le voit avec 100% d’employés en situation de handicap car on ne lui a jamais donné sa chance et il ne veut donc pas donner la chance aux personnes valides.
Il utilise également beaucoup les réseaux sociaux dans son activité : sans Facebook il n’aurait pas pu faire parler de son entreprise de son histoire. Les réseaux lui permettent également de réaliser des vidéos par bénéficiaire pour que les donateurs comprennent l’enjeu. La vidéo de la première bénéficiaire a été vu plus de 6000 fois en seulement quatre jours.
Pour lui, dans le milieu de l’entreprise, il faudrait créer des postes de télétravail pour les personnes lourdement handicapées et qui ont par exemple besoin de soins quotidiens.
Il faudrait également changer le fait que certaines entreprises embauchent des personnes en situation de handicap uniquement pour se donner bonne conscience et remplir les quotas.
François Polverel, ancien élève de l’école de commerce de Tours, et fondateur d’une Start-up parisienne : AXEGO qui facilite l’accès des personnes handicapées au monde du tourisme et des loisirs.
De base, il n’avait pas de liens particuliers avec le handicap et c’est pourtant autour de cette thématique qu’il a décidé de mener sa vie professionnelle. Très tôt, il a fait le constat que notre société n’était pas très accueillante envers les personnes en situation de handicap.
Durant toute sa scolarité, il n’a jamais vu le handicap, il n’en avait pas conscience dans son quotidien. Puis, en entrant en école de commerce il a dû réaliser un projet de groupe dans le but d’apprendre à être les managers de demain. Ils ont ainsi décidé de créer un tournoi de rugby caritatif pour aider une petite fille handicapée ; ce fut son premier contact avec le monde du handicap.
A la fin de ce projet il a compris que le loisir était un vecteur d’inclusion et d’insertion sociale privilégiée. C’est de cette façon qu’est née sa fibre entrepreneuriale et son intérêt pour le handicap.
Il y a quelques années il y avait uniquement le label Tourisme handicap pour faire le choix de ses loisirs : 5 500 établissements labellisés en France dont quasiment la moitié son des offices de tourisme.
Les établissements n’appliquent pas les lois liées au handicap car, pour eux, faire des travaux qui nécessitent de gros moyens financiers n’est pas rentable étant donné qu’ils ne voient jamais de personnes en situation de handicap et ne sont donc pas confrontés à cette réalité.
Il faut donc leur faire comprendre que les normes d’accessibilité ne doivent pas être vues comme une contrainte mais comme une opportunité de business. Pour cela, on fait venir dans un premier temps chez eux des personnes handicapées pour qu’ils comprennent véritablement les enjeux de divers aménagements.
De plus, malgré le fait que le gouvernement fait pleins de lois, il n’embauche personne pour les faire appliquer. On trouve tout de même quelques associations militantes qui font quelques opérations coup de poing en faisant des procès a des lieux qui ont refusé de s’adapter.
De ce fait, sa start-up permet à la fois de rapporter de l’information et aussi d’aider les personnes à prendre conscience que l’accessibilité est un réel enjeu : on comptabilise 15% de personnes en situation de handicap en France.
Cependant, un lieu ne sera jamais accessible à 100% des personnes dû à la diversité des handicaps. Par exemple, une personne autiste va préférer les atmosphère tamisées alors qu’une personne mal voyante va préférer beaucoup de lumière pour voir correctement. Il faut donc définir quelle accessibilité et pour qui.
Chez Axego, ils partent du principe qu’une personne en situation de handicap est la première experte de son propre handicap. Ils ont donc créé des panels de contribution pour que chaque personne puisse expliquer leurs problèmes et raconter leurs mauvaises expériences.
Ils se basent donc sur un certain nombre de lois mais aussi sur ces témoignages récoltés pour définir l’enjeu de l’expérience client.
Leur activité principale est de récolter des informations pragmatiques auprès des lieux, sans jugement de valeur, pour ensuite les revendre à des sites, des offices de tourisme, … et que cela soit mis en valeur en ligne. Cela laisse ensuite la possibilité aux personnes handicapées de décider si les critères correspondent à leurs besoins en fonction de leur handicap.
Ils ont fait le parti-pris de ne pas créer leur propre plateforme car il est important que les personnes handicapées bénéficient de la même expérience que tout le monde. Il vaut mieux donner l’information aux sites déjà existants et ne pas accentuer le clivage déjà présent.
Le numérique offre une très belle opportunité d’aider les personnes en situation de handicap. Mais aujourd’hui, seulement 6% des sites sont accessibles. Même les sites qui sont censés être spécialisés et apporter des solutions ne sont pas adaptés. Par exemple, le gouvernement bénéficie d’un prestataire pour mettre les sites en accessibilité et certains ministères repoussent l’échéance car ce n’est pas une priorité pour eux.
Pour François, l’idéal serait que le handicap ne soit plus vu comme une différence mais plutôt comme une caractéristique propre à chaque individu.