J'ai le bon profil - Conférence tour Nantes
En présence de Sandrine Charpentier, fondatrice de Digitaly et directrice de 1Kubator Nantes, de Bastien Confais, ingénieur et docteur en informatique, de Laurent Maury, CEO de Smart Macadam, de Marie-France Roy, chorégraphe et de Damien Seguin, skipper de haut niveau.
CONFERENCE NANTES
Le 14 mars 2019
Cette dixième étape du conférence Tour de l’Agefiph, en partenariat avec Le Monde, est animée par Charlotte David, Journaliste.
En présence de Sandrine Charpentier, fondatrice de Digitaly et directrice de 1Kubator Nantes, de Bastien Confais, ingénieur et docteur en informatique, de Laurent Maury, CEO de Smart Macadam, de Marie-France Roy, chorégraphe et de Damien Seguin, skipper de haut niveau.
Claire QUINTIN-VICQUELIN, Déléguée régionale de l’Agefiph Pays de la Loire, nous rappelle une des évolutions sociétales : le label Tourisme et Handicap créé en 2001 qui est le fruit d’une collaboration entre le Ministère du Tourisme, les professionnels du secteur et les associations de personnes. Il traduit l’engagement, la volonté des personnes, des familles, des institutions, des milieux économiques, qui ont fait que petit à petit le regard sur les personnes handicapées et l’inclusion progressent.
Au niveau national, certaines lois sont déterminantes pour le milieu du handicap et l’inclusion de ces personnes : la loi de 1987 sur l’emploi des personnes en situation de handicap et la loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances.
Au niveau régional, les Pays de la Loire affichent le taux de chômage le plus faible en France même si il y a tout de même 30 000 personnes handicapées qui sont demandeurs d’emploi, soit près d’un demandeur d’emploi sur dix.
Si on prend la vision économique des choses, il y a 57% des entreprises qui respectent leurs obligations d’emploi des 6%, et 80% qui accueillent au moins une personne en situation de handicap. On voit donc qu’il y a des avancées mais encore du chemin à parcourir sur le sujet.
On dit souvent que les Pays de la Loire sont une terre d’initiatives et il est vrai que pour l’inclusion des personnes il y a eu des avancées collectives et significatives. Notamment, l’initiative sur la démarche inclusive dans l’apprentissage pour les jeunes en situation de handicap, qui date depuis plus de 20 ans qui a été lancé dans tous les CFA. Cela donne aujourd’hui plus de 820 apprentis en situation de handicap et représente 2,7% : trois fois le taux national.
Pour parler d’une initiative plus récente : un collectif d’associations pour accueillir des jeunes handicapés en service civique qui permet de s’engager au service des autres et de la société. Il y a des associations, des collectivités qui accueillent ces jeunes. Cela montre une forte volonté d’inclusion et c’est devenu une expérimentation nationale.
Plus généralement, il y a des avancées mais la France semble avoir un problème avec cette notion d’inclusion, c’est ce que dénonce la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits des personnes handicapées, rapport rendu public début mars. Elle préconise la fermeture pure et simple des institutions spécialisées au profit de la scolarité et du travail en milieu ordinaire. Elle souligne également les problèmes d’accessibilité des bâtiments mais aussi des sites web par exemples. Elle conclut ce rapport en parlant d’une véritable mise à l’écart des personnes en situation de handicap.
La question se pose alors, comment pouvons-nous améliorer la situation en faveur de l’inclusion ?
Bastien Confais, diagnostiqué autiste Asperger à l’âge de huit ans, a effectué toute sa scolarité en milieu ordinaire jusqu’à la thèse de doctorat en informatique. Aujourd’hui il est sous contrat avec le laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes, en tant qu’ingénieur de recherches.
Nous pensons encore trop souvent que les personnes handicapées ne peuvent pas faire d’études et doivent nécessairement travailler dans les milieux spécialisés. Pour lui, l’autisme n’est pas juste avoir des difficultés à communiquer, c’est également avoir beaucoup de mal à supporter l’environnement sensoriel et à prédire ce qu’il va se passer. C’est un peu comme vivre sur une autre planète sur laquelle tout est imprévisible et où les odeurs, la lumière, les bruits et même la proximité des autres personnes sont insupportables.
Il a eu la chance de pouvoir effectuer toute sa scolarité en milieu ordinaire grâce à des enseignants flexibles et ouverts à la différence et au soutien de ses parents et des autres élèves. Beaucoup de personnes quittent le logement familial pour aller étudier, alors que des personnes comme lui ne sont pas encore prêts pour vivre de manière autonome. Il n’aurait probablement pas fait d’études s’il n’y avait pas cette université dans la ville dans laquelle il habite.
Du collège jusqu’à la fin de ses études, tout le monde était informé dès le départ de sa différence. Cependant, il n’a jamais souhaité être traité différemment. Plusieurs élèves de la classe l’ont toujours aidé et il pense sincèrement que cela a permis à ces élèves d’avoir le sens des responsabilités.
A la fin de son stage de fin d’étude et de son cursus d’ingénieur, un de ses enseignants lui a proposé de continuer en thèse, il a accepté car cela lui permettait de rester dans un cursus scolaire quelques années supplémentaires. Juste après sa soutenance, son directeur lui a proposé le poste qu’il occupe actuellement, même s’il ne travaille plus directement avec lui, il est toujours dans le même laboratoire et il est toujours derrière lui pour vérifier que tout se passe bien.
Pour son intégration dans l’équipe, le directeur de thèse a beaucoup discuté avec la nouvelle personne qui l’encadre pour expliquer les fonctionnements qu’il avait mis en place pendant sa thèse et répondre à ses différentes interrogations concernant son handicap : il a préparé le terrain pour que tout se passe pour le mieux.
Il souligne que les aménagements spécifiques ne se font pas uniquement lors de l’accueil de la personne, mais doivent évoluer au fur et à mesure.
Laurent Maury, fondateur de Smart Macadam, start-up qui conçoit et développe des applications mobiles et des sites web pour améliorer le quotidien des personnes en perte d’autonomie (personnes handicapées, âgées, malades) et lui-même atteint d’une maladie rétinienne qui le rend quasiment aveugle.
Il a lui vécut une expérience assez difficile ; il devait se débrouiller tout seul. A l’époque, les dispositions et la patience des autres n’étaient pas les mêmes et il a donc fallu qu’il se débrouille essentiellement seul. Cependant, quelques camarades et enseignants étaient bienveillants, mais il a décidé, très jeune, d’être autonome en voyant sa sœur placée dans une école spécialisée avec des dispositifs adaptés ; il ne voulait absolument pas vivre de la même façon. .
Il a effectué un doctorat en mathématiques ; une matière où l’on peut plus facilement être autonome.
Malgré son handicap, il ne sait pas comment se comporter avec d’autres personnes en situation de handicap car ce ne sont pas les mêmes spécificités.
Avant la création de sa start-up, il a eu de multiples expériences professionnelles. Un milieu qui lui a semblé beaucoup plus dur que les études en terme d’inclusion et du regard des autres sur la différence.
Il a donc trouvé la solution de cacher son handicap. Ce qui lui a valu d’être traité d’usurpateur. En effet, arrivé en finale du projet start-up et handicap, il a scénarisé sa prestation pour ne pas gêner autrui face au handicap ; on ne l’a donc pas cru sur son handicap.
C’est seulement vers 40 ans, qu’il a totalement assumé son handicap.
Il conseille à l’ensemble des personnes en situation de handicap de vite monter en grade pour éviter toutes sortes de problèmes, liés à la différence, face à leur hiérarchie.
Damien SEGUIN, né sans main gauche, est devenu skipper, d’abord en handisport puis avec les valides ; double champion olympique et quatre fois champion du monde en handisport, il a terminé sixième de la dernière route du rhum et sera au départ du vent des globes l’année prochaine (2020).
Il a eu une scolarité classique en milieu ordinaire. La première difficulté qu’il a rencontrée a été lors de son inscription à la conduite accompagnée. C’est la première fois qu’il a été brutalement confronté à la réalité du handicap ; on lui a dit qu’il n’était pas comme les autres et qu’il ne pouvait donc pas faire comme eux.
Puis, lorsqu’il a voulu passer son concours pour être professeur d’EPS. Pour s’inscrire, il faut remplir un dossier de candidature. En le remplissant, il a coché la case handicapé et suite à cela un cycle s’est mis en route autour de lui car l’administration s’est rendu compte qu’il était en situation de handicap. Il a ensuite été convoqué à Paris devant une assemblée constituée de médecins pour savoir s’il pouvait passer le concours ou non. Il a donc demandé à ce qu’on le laisse le faire comme tout le monde et de voir ensuite par eux-mêmes s’il est capable ou non. Il est ensuite devenu enseignant d’EPS.
Enfin, la Fédération Française de voile lui a refusé de courir le solitaire du Figaro avec les personnes valides en 2005. Il sortait des jeux paralympiques avec une médaille d’or et souhaitait s’inscrire à cette épreuve ouverte à tout le monde. Il a reçu une lettre, longtemps après sa tentative de contact, lui disant qu’il ne pourrait pas faire cette course car le Comité de Direction a considéré qu’il n’était pas capable de naviguer en bon marin. Il a décidé de ne pas abandonner et de se battre : en suit un an de bataille et de calvaire. Beaucoup de personnes se sont mobilisées autour de lui : famille, amis, personnalités publiques (dont Patrick Poivre d’Arvor). Des personnalités ont porté le débat jusqu’à l’assemblée national pour essayer de lever certains freins. Il a ensuite découvert que les critères de sélection étaient un peu flous et qu’il y avait un certain problème de discrimination. L’année suivante, il a pu participer. Cependant, on lui a un jour demandé de choisir son camp entre handi et valide.
Il a toujours eu cette volonté de se battre pour arriver à ses fins.
Il raconte son histoire et les différentes embûches rencontrées au sein des entreprises auprès des salariés. Ce témoignage a un impact positif pour les autres : cela a permis à des personnes handicapées, qui se cachaient, d’entamer les démarches pour être reconnues travailleurs handicapés. C’est un grand pas sur l’acceptation de soi et de se faire accepter par les autres.
Lors de sa recherche de sponsors, son handicap peut être un frein, même en ayant les mêmes objectifs que les autres. Au final, ce frein devient un atout. En effet, première personne handicapée a effectué le vent des globes, cela devient une véritable valeur ajoutée pour l’entreprise qui peut communiquer sur des valeurs d’inclusion.
Marie-France Roy, danseuse, chorégraphe et fondatrice de l’association Résonnance : mélange les danseurs au fil de ses créations : les jeunes et les moins jeunes, les pros et les amateurs, les personnes ordinaires ou extraordinaires parmi lesquels des personnes handicapées physiques, mentaux et psychiques.
La danse est un milieu où l’on ne se fait pas de cadeau ; personne ne souhaite de personnes handicapées dans les compagnies de danse traditionnelles.
En 2008, lors d’un début de stage de danse, elle voit un jeune homme trisomique arriver et ce n’était pas du tout prévu. Cela a été au final une vraie rencontre : elle a découvert une fragilité, source de potentiel créatif.
La semaine suivante, plusieurs parents d’enfants handicapés sont venus la voir pour faire danser leurs enfants. Elle a accepté à la seule condition qu’ils soient intégrés avec les autres danseurs. La singularité est pour toute et à chacun. Travailler les mêmes fondamentaux en s’adaptant dans le rythme, la fluidité du mouvement, la présence, le regard, le toucher, au travers d’un travail d’improvisation, d’ateliers de recherches et de composition.
Elle répond également à des demandes de projets chorégraphiques : création actuelle entre des personnes handicapées et leurs soignants. Les personnes handicapées apportent autre chose qu’une technique et qu’un résultat : seulement la créativité de chacun. Lorsqu’elles sont sur scène, elles ne sont pas dans le regard de l’autre : elles nous apprennent à vivre autrement.
Sandrine Charpentier, directrice d’1kubator Nantes et fondatrice de Digitaly, start-up spécialisée dans le conseil et la formation en innovation sociale, en mixité et en transformation numérique : accompagne les entreprises pour les aider à créer de l’innovation inclusive en misant sur la mixité et la diversité des profils.
Experte de l’inclusion, elle a pour sujet de travailler sur les enjeux de l’innovation technologique qui doit aussi être sociale et inclusive. Dans les innovations qu’elle peut proposer, elle essaye de challenger les habitudes et fonctionnements de chacun.
Dans la recherche et le développement et dans tous les travaux qui sont faits sur les nouveaux usages, sur les nouveaux produits qui seront développés demain, on a des équipes innovation qui sont souvent très stéréotypées. Cela implique des fonctionnements et innovations qui ne sont pas toujours inclusives. Il y a donc un véritable enjeu dans l’accompagnement des entreprises, en travaillant avec une ouverture pour réfléchir sur les publics que l’on va inclure et sur la société dans toute sa diversité.
Elle essaye d’encourager les personnes handicapées à aller vers l’entreprenariat et le numérique pour créer l’innovation de demain car ce sont les plus concernées. Ce sont des différences qui font une richesse et notamment dans l’innovation car on cherche dans ce domaine de la créativité, de l’agilité, de la performance qui est forte plus les personnes sont variées.
On peut entreprendre quel que soit son profil et c’est plus facile avec le numérique de se lancer avec de l’envie et une bonne idée
Quand on crée une entreprise on doit aller comprendre ses utilisateurs, ses parties prenantes, … pour aider à créer des produits qui correspondent bien aux personnes qui vont les utiliser.
Pour avoir moins peur de l’inconnu, il faut collaborer et faire ensemble pour ainsi intégrer les choses différemment. On ne peut pas être ce qu’on ne voit pas.