J'ai le bon profil - Conférence tour Lyon
En présence de Hervé Bernard, directeur social et inclusion de Handicap international ; Sarah Da Silva Gomes, fondatrice de Constant & Zoé ; Sébastien Jaricot, fondateur de la startup SantéNet ; Samuel Marie, aventurier tétraplégique (Sam Fait Rouler) ; Marielle Valran, docteure en sciences de l'éducation.
CONFÉRENCE LYON
Le 21 novembre 2019
Nous en sommes à la 16ème étape du Conférence Tour de l’Agefiph, en partenariat avec Le Monde, animée par Isabelle Hennebelle, journaliste.
En présence de Samuel Marie, aventurier tétraplégique (Sam fait rouler), Hervé Bernard, directeur social et inclusion de Handicap International, Sarah Da Silva Gomez, fondatrice de Constant & Zoé, Sébastien Jaricot, fondateur de la startup Santenet et Marielle Valrant, docteur en sciences de l’éducation.
Après avoir présenté le contexte de la conférence, Isabelle Hennebelle donne la parole à Kristel Hamon, directrice de la communication de l’Agefiph. Celle-ci explique que cela fait deux ans que l’Agefiph parcourt le territoire Français pour parler inclusion et handicap. Depuis 30 ans, les entreprises doivent avoir 6% de personnes en situation de handicap au sein de leurs effectifs. Cependant, l’inclusion n’est pas suffisante. Cette opération a été initiée pour chercher de nouvelles idées et inspirations. Cette conférence se déroule en pleine Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées. L’Agefiph est mobilisée et a organisé près de 500 événements en partenariat avec des associations et acteurs qui se mobilisent sur le terrain. Kristel Hamon rappelle que l’Agefiph représente 14 délégations régionales puis donne la parole à Daniel Dias, directeur régional Auvergne Rhône-Alpes.
Daniel Dias, salue et remercie les participants de la conférence qui ont répondu présent. Il commence son discours en disant que l’Agefiph est nationale. Son action est déconcentrée en 14 délégations régionales qui couvrent l’ensemble du territoire. Ici, en région Auvergne Rhône-Alpes, il y a deux sites Agefiph : Clermont-Ferrand et l’Isle d’Abeau. L’Agefiph fait le choix d’être au plus près des personnes handicapées, des partenaires et des entreprises pour mettre en relation l’ensemble des parties intégrantes qui font qu’à un moment donné l’intégration devient possible. Pour aller plus loin, il explique que le territoire régional est découpé en cinq. Ressources, temps et compétences y sont mobilisés. L’événement de la Semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées est incontournable. Durant celui-ci, les partenariats sont renforcés. Aussi, les compétences des personnes handicapées et les initiatives des entreprises sont mises en avant. Il a souhaité profiter de la dynamique de cette semaine pour tenir cette conférence.
Il explique qu’au moment de la conférence, se déroule un autre événement en partenariat avec LADAPT situé à Confluences. Un événement sur lequel une partie de l’équipe Agefiph est mobilisée et 300 demandeurs d’emplois handicapés accompagnés de 100 professionnels et bénévoles font le tour des entreprises pour décrocher des offres d’emplois. L’année dernière, plus de cent offres d’emploi ont été mutualisées et se sont concrétisées en embauche. Il ajoute que cette semaine est un gros focus sur le travail de l’Agefiph mais qu’elle se mobilise tout au long de l’année sur la question de l’inclusion.
Travaillant pour l’Agefiph depuis 22 ans, avec un parcours ancré dans le temps et les territoires de France, Daniel Dias affirme que même si les choses doivent être améliorées, l’inclusion a évolué positivement. Pour illustrer son propos, il explique qu’auparavant ont mettait en place des formations professionnelles spécifiques pour les personnes handicapées. L’idée que ces personnes suivent des formations de droits communs avec les autres salariés n’existait pas. Petit à petit, l’offre de formation de droit commun s’est ouverte grâce à la ressource Handicap Formation mise en place par l’Agefiph. Son objectif est que toutes personnes handicapées puissent accéder aux formations de droits communs. Des adaptations existent et des solutions au cas par cas sont mises en place.
Le second exemple qu’il donne évoque l’action institutionnelle des politiques publiques. Pendant longtemps étaient mis en place des BDITH (programmes départementaux d’insertion travailleurs handicapés) qui étaient des dispositifs spécifiques. Le lien avec les autres politiques publiques était faible. Aujourd’hui, on parle de PRITH (plan régional d’insertion des travailleurs handicapés) qui prend la forme d’engagement régional en faveur de l’emploi des personnes handicapées dans la région Auvergne Rhône-Alpes. En effet, les acteurs institutionnels ont voulu témoigner par cette signature d’un véritable engagement avec des objectifs, des moyens et des indicateurs de résultats mis en place. Cet engagement porte en lui l’ambition d’agir sur le droit commun pour préparer l’inclusion dans ce droit commun.
Lyon en 2020 sera le théâtre d’un événement national et fédérateur car se tiendra, en mars prochain, la première université du Réseau des Référents handicap. L’objectif est de permettre un partage sur le sujet de l’inclusion des personnes handicapées. Il rappelle aussi que cette ville propose un Master 2 « Référent Handicap » qui est largement tourné sur l’objectif de l’inclusion sociale. Il termine son discours en citant quelques lignes du livre Société inclusive, parlons-en ! de Charles Gardou.
Isabelle Hennebelle présente les intervenants puis anime le débat en posant des questions à chaque intervenant. Voici les propos qu’ils ont tenus dans leurs réponses.
Samuel Marie pilote le projet « Sam fait rouler » qui consiste à partir à la découverte des innovations en matière de handicap. Il a réalisé deux périples de 75 kilomètres, ce qui équivaut à une traversée de 22 pays sur 3 continents. Sa prochaine expédition se fera en Amérique du Sud.
Travaillant à l’origine sur des travaux acrobatiques de chantier, il a été victime d’un accident en 2008 qui lui a fallu 3 mois de réanimation et 4 ans de rééducation. Suite à son accident, il n’a pas réussi à valider de nouveaux diplômes et trouver un métier qui l’intéressait. Ainsi, il a construit lui-même son parcours.
Il souhaitait retrouver sa mobilité pour continuer à faire ce qui lui plaisait. Il a trouvé un camion pour se déplacer et partir à la rencontre des gens. Un moyen qui lui a permis d’entretenir son réseau et de monter un projet sur 12 mois au total. Ce projet va à la rencontre des bonnes pratiques et bonnes initiatives autour du monde. Il le réalise avec son camion aménagé, accompagné d’infirmiers. Malgré ses fonds personnels très légers, il a trouvé des financements et des sponsors pour son projet. En contrepartie de ces fonds, il est devenu vidéaste, monteur-vidéaste, conférencier…
Durant son voyage aux États-Unis, il a trouvé des idées révolutionnaires mais très couteuses qu’on aurait du mal à installer en France. Selon lui, la politique n’est pas la même. Les Américains sont prêts à investir une très grosse somme d’argent dans une innovation qui leur plaît. Il s’est rendu compte que les avancées technologiques pour le handicap étaient liées au fonctionnement social du pays, au PIB et aux croyances religieuses. C’est pour cela qu’en rentrant de ses voyages, il n’a pas su trouver le « truc génial » à ramener en France. Cependant, il a trouvé du lien humain et c’est le plus important car c’est ce qui peut rassembler chaque pays. Pour développer des projets, les liens humains sont importants pour faire avancer les choses. Samuel Marie mène ses projets avec des bénévoles très engagés. Dans le coulis de ses voyages, il y a beaucoup de bénévolat. La tâche de gestion des ressources humaines est un travail quotidien. Cependant, même si ce lien humain est indispensable, il est conscient qu’il aura besoin d’un format économique pour avancer encore plus loin.
L’inclusion ne doit pas être définie, cela signifierait mettre un mot sur deux milieux distincts : les personnes handicapées et les personnes valides, ce qui est clivant. Selon lui, c’est un mot à la mode qui n’existe peut-être pas, ainsi, il faut utiliser de nouveaux mots. Peut-être même que le mot handicap n’existe pas non plus. C’est un mot important pour poser des lois, des règles et définir les choses qui donnent sa chance à tout le monde mais en réalité existe-t-il réellement ?
Au cours de ses périples, il a pu observer les différentes politiques pour inclure les personnes handicapées. Il a découvert que dans la plupart d’entre eux, les personnes handicapées ne travaillent pas et restent chez eux. Beaucoup d’entre elles n’ont pas de sous et comptent sur leurs familles. Il estime que c’est une chance en France d’avoir un système qui peut permettre d’avancer et de trouver des solutions intelligentes pour inclure aux mieux les personnes handicapées.
Sébastien Jaricot, ancien sportif, est le fondateur de la startup Santenet et de l’application Mia Confort, une application d’outil numérique, télésuivi et télémonitoring de la douleur du patient à la maison. Aujourd’hui porteur d’un handicap invisible, il a été victime d’un accident de moto avec de lourdes conséquences et a souffert de douleurs chroniques dans la jambe pendant 1 an. Cette année qu’il a passée sur son canapé, lui a donnée envie de trouver une solution pour éviter que d’autres aient le même problème que lui.
Pour cela, il s’est constitué un carnet de suivi de sa douleur sous format numérique et a remarqué des tendances graphiques qui apparaissaient. Il s’est ensuite confronté au monde des spécialistes de la douleur puis a rencontré le docteur Eric Bismuth qui a étudié ses graphiques. Celui-ci lui a fait comprendre que l’intérêt des graphiques n’était pas de connaitre le taux de douleur ressentie mais de savoir si le blessé n’avait pas envie de se suicider à cause de cette douleur. Ensemble ils ont géré ses douleurs et les conséquences de celles-ci. Ils ont cartographié la douleur et tous les effets qui viennent impacter cette sensation : le moral, l’activité physique, la météo… En prenant en compte tous ces éléments, les patients arrivent à comprendre comment ils fonctionnent et cela devient un véritable outil thérapeutique. L’objectif de Santenet est de rapprocher le patient et le soignant et de donner l’opportunité au patient de s’exprimer dans des termes qu’intéressent le soignant grâce à un outil simple à utiliser. Le problème du patient douloureux chronique est l’humain. La solution qu’il propose est une solution numérique au service de l’humain.
L’application Mia Confort à destination des patients est accessible et gratuite pour tous. Cet outil bénéfique au patient est aussi commercialisé en B to B auprès des éditeurs de logiciel. Il peut être un outil intégré dans leur logiciel pour que les informations remontent directement dans le dossier patient lorsque le soignant lui envoie l’application et lui demande de la compléter. C’est aussi un outil bénéfique à l’étude clinique car il représente un échantillonnage de cette sensation douloureuse du patient de façon instantanée plus précieuse que les questionnaires habituels.
Dans le numérique, la recherche d’emploi est différente. Il a rencontré son CTO (Chief Technical Officer – Directeur de la Technologie) à Toulouse et le premier rendez-vous se fit par vidéo-conférence. À la fin de l’entretien, son CTO lui a annoncé qu’il était en fauteuil roulant. Selon lui, c’est ça la définition de l’inclusion : le fait que l’annonce d’un handicap arrive à la fin.
Dans le monde du numérique, le télétravail est possible. Il permet d’assurer les missions d’employé mais aussi de répondre aux besoins d’un handicap comme par exemple la venue d’une infirmière. Par exemple, son CTO fait uniquement du télétravail, c’est une manière de travailler revisitée mais efficace car elle permet d’entretenir une relation de travail très étroite même avec la distance qui les sépare. Le télétravail combine les problèmes liés au handicap et les soucis d’efficacité à faire une tache pour une personne handicapées.
Pendant 4 ans il n’a pas pu utiliser son bras, du jour au lendemain il a été obligé de tout faire différent. Quand on a un handicap, on est obligé de faire différemment et donc de trouver une solution. Il faut se débrouiller et ne pas avoir peur. Grâce à ce handicap, il a développé le besoin de s’investir dans quelque chose. Aussi il a appris à dominer sa souffrance et a pu monter sa boîte d’une manière spécifique et adaptée.
Sarah Da Silva Gomez a fondé en 2015 l’association Constant & Zoé, une marque de vêtements ergonomiques et pensés pour les personnes en situation de handicap. Son association est basée à Lyon et elle travaille accompagnée de 7 personnes.
Son frère, Constant, est né polyhandicapé suite à une faute médicale à la naissance, une anopsie cérébrale qui créer des complications neurologiques irréversibles. En fauteuil roulant aujourd’hui, il souffre d’un handicap très lourd qui l’empêche de se tenir debout. Il est nourri par sonde gastrique, il ne peut pas voir et ne peut pas parler. Ainée de Constant, la vie de Sarah a tout de suite été chamboulée. Arrivée dans le monde du handicap avec un sentiment d’injustice, ça a été compliqué pour elle et sa famille. Elle a pu remarquer que les gestes du quotidien devenaient difficiles notamment le fait de s’habiller. Constant étant dépendant, il ne peut pas s’habiller seul. Il est difficile pour la tierce personne qui l’habille de lui enfiler des vêtements à cause de sa raideur musculaire et son fauteuil.
Son objectif était de trouver une solution pour avoir des vêtements adaptés d’un point de vue médical et mode. Elle crée Constant & Zoé en 2015. Cette association cible les personnes atteintes d’un handicap lourd, comme Constant, mais aussi les personnes atteintes de déficience mentale ou les personnes en fauteuil roulant mais autonome. L’objectif est de proposer une gamme de vêtements encore plus inclusive. Aujourd’hui, 15 modèles ont été développés puis déclinés dans des tailles et couleurs différentes pour s’adresser aussi bien aux hommes qu’aux femmes. L’association est spécialisée dans les vêtements d’extérieurs. Pour les personnes dépendantes en fauteuil roulant, les temps et la fréquence des sorties sont très courts. En effet, le temps d’enfiler un manteau peut facilement prendre 1 demi-heure, cela est décourageant. Ainsi, l’association revisite le fonctionnement du vêtement. Par exemple, pour le manteau standard, ils créent un système qui s’enfile comme une blouse et qui donne l’illusion de porter un manteau car à l’avant se trouve des poches, un zip, des boutons … Ainsi le porteur du vêtement est protégé sans pour autant porter un manteau « classique » mais personne ne peut s’en douter.
Sa perception de l’inclusion est de faire les choses pour que les personnes en situation de handicap se sentent bien. La base de l’être humain est d’être bien. Souvent on parle de différence, qu’il ne faut pas nier, mais traiter et considérer pour l’intégrer réellement.
Son constat, sans parler du handicap, est que le code du travail n’est pas forcément favorable au recrutement. Il est difficile de trouver des personnes réellement motiver à travailler. Cela peut être une chance pour ces personnes atteintes de handicap car elles peuvent posséder cette envie forte de travailler. Aussi elles ont conscience du risque que peut prendre l’employeur à embaucher. Cette notion de risque implique une confiance mutuelle entre l’employeur et l’employé, c’est ce qui forme une relation est saine. Aujourd’hui on demande aux employeurs de recruter et s’ils ne le font pas ils sont punis. Pour Sarah, ce n’est pas un accompagnement hyper sain. Grâce à son expérience de chef d’entreprise, elle pense que recruter des personnes en situation de handicap peut fonctionner et être une expérience géniale mais il existe un risque qui peut faire peur en France.
Les épreuves de sa vie lui ont permis de développer un caractère d’entrepreneuse, d’apprendre à gérer des personnalités différentes et des problèmes sans se laisser dépasser. Son frère la beaucoup éduquée. Il l’a aidé à devenir qui elle est aujourd’hui, tant au niveau de la façon dont elle gère les responsabilités mais aussi pour prendre les choses en main sans avoir peur.
Selon elle, pour aller vers une plus grande inclusion, il faut que tout le monde mette la main à la pâte et que chacun à son échelle fasse ce qu’il peut.
Marielle Valran, docteur en sciences de l’éducation, a réalisé une thèse consacrée à la participation sociale des personnes en situation de handicap liée à des troubles psychiques sous la direction de Charles Gardou. C’est également la co-organisatrice des Trophées Lumière de l’Entreprise Inclusive. Anciennement infirmière, elle a pu être confrontée aux problèmes évoqués par Sarah Da Silva Gomez concernant l’habillement des patients.
L’idée de ses travaux basés sur la participation sociale était de comprendre comment, dans tous domaines de la vie, certains dispositifs pouvaient fonctionner pour renforcer la participation des personnes atteintes de handicap. Elle a notamment travaillé sur les Groupes d’Entraide Mutuelles, des associations sous la loi de 1901, avec un fonctionnement particulier. En effet, leur objectif est que les personnes elles-mêmes s’emparent du fonctionnement de l’association pour mener leurs projets dans ces différents domaines de la vie.
Pour s‘intéresser à l’emploi, ce qui ressort de ces études est l’importance des représentations sociale comme obstacles à l’emploi des personnes en situation de handicap. Les personnes en situation de handicap qui ont parfois elles-mêmes intégrées ces représentations sociales, se stigmatisent et se mettent des barrières. Ce qui fait qu’elles se considèrent d’abord comme des personnes en situation de handicap avant de se considérer comme compétentes pour travailler. Ce sont des freins qu’il faut considérer pour que l’on puisse penser d’abord une personne par ses compétences plutôt qu’à partir de leurs déficiences. Sa dernière observation fut comment les milieux professionnels peuvent s’adapter pour prendre en compte la singularité de toute personne et réinscrire ça dans cette diversité.
Selon Marielle, l’inclusion est un débat qui cristallise beaucoup de tensions car c’est un terme que l’on a tendance à transformer en quelque chose d’idéaliste alors que l’idée n’est pas celle-ci. Elle reprend les termes de Charles Gardou qui ne parle pas d’inclusion mais utilise l’adjectif inclusif en parlant de société inclusive ou perspective inclusive qui illustre bien l’idée de mouvement ou d’horizon sur lequel on peut s’appuyer pour donner du sens. On a tendance à séparer les choses de façon artificielle : un milieu spécialisé mis en périphérie d’un milieu ordinaire. Là, l’idée de la société inclusive est de rassembler ces deux mondes en créant des passerelles et du lien. Dans notre société, tout le monde a le droit à une participation sociale dans tous les domaines de la vie, et la question qu’il faut se poser est : comment adapter tous ces milieux pour permettre une réelle participation sociale à ces personnes dans tous les domaines de la vie.
Selon elle, pour favoriser l’inclusion, il faut axer sur le volet de la formation de tous les métiers pour dépasser toutes les représentations sociales. Il ne faut plus proposer quelque chose de spécialiser mais que ça devienne un droit commun. Elle ajoute aussi l’intérêt du volet ressource qui peut répondre aux questions du handicap. Il faudrait que dans tous les domaines il y est des référents handicap qui puissent répondre de façon plus singulière à ces questions. Le travail à faire n’est pas d’avoir des formations par types de déficience. Les réponses ne sont pas systématiques. Il faut construire une réponse avec la personne et adaptée à la personne. Le deuxième levier est comment est-ce qu’on peut diffuser les pratiques qui existent déjà afin qu’elles inspirent les autres pour que chacun puisse s’en emparer. L’initiative serait de trouver un moyen de diffuser ce qui existe déjà aux entreprises de petites et grandes tailles.
Il faut être humble face à cette question du handicap et personne n’a le monopole du savoir dessus. Tous les savoirs sont complémentaires.
Plutôt de penser les choses de façon clivées, il faut sortir de sa mission et penser les choses en amont et aval. Selon elle, il faut relier les acteurs comme l’université et le monde du travail pour être plus efficace et avoir un degré d’inclusion plus important. La société inclusive a une part d’utopie mais il faut la revendiquer car c’est ce qui donne un sens à notre activité, ça créer de la solidarité.
Hervé Bernard est le directeur social et inclusion de Handicap International. Cette ONG lyonnaise, née il y a 38 ans, s’intéresse aux enjeux d’insertion des personnes handicapées pour avoir une approche globale. Les premiers soins menés par l’ONG furent apportés aux personnes handicapées qui fuyaient la guerre entre le Cambodge et la Thaïlande en travaillant sur de la réadaptation fonctionnelle, réparation du corps. Aujourd’hui cette organisation travaille de plus en plus sur l’insertion professionnelle et sur l’emploi. Pour affirmer cette idée d’être international et inclusif, il insiste sur la notion d’ONG, d’inclusion et d’humains.
Selon Hervé Bernard, l’inclusion est tout simplement l’inverse de l’exclusion. Certaines personnes sont exclues des services, de la société, des loisirs, d’une vie familiale… Le but de cette ONG est d’éviter cette exclusion.
Il explique que les états s’intéressent au handicap dans le monde. Ils réfléchissent et mettent en place des politiques spécifiques. Il pensait qu’il n’existait que la tendance européenne, des politiques très incitatives et contrôlées de quotas qui vont imposer aux entreprises de respecter un cadre avec des contraintes, et le système américain plus libérale. Mais il s’est rendu compte que dans le monde, les gens mixaient ces deux politiques et étaient assez créatif. Selon lui, même si les lois françaises ont bien évolué, la France a tout intérêt à s’inspirer de ce qui est fait par les autres pays. Certes, le contexte est différent mais peut amener à la créativité.
Le monde associatif reste le premier levier pour faire bouger les choses. Handicap International aide ces associations à s’organiser pour être plus fort pour défendre leur vision de l’inclusion et fournir des services qui correspondent aux besoins locaux.
Pour travailler avec leurs partenaires, ils suivent l’approche anglaise de la « twin-track » (double approche). Pour faciliter l’inclusion et le bien-être, il faut jouer au niveau de la personne et de la société. Ils mettent en place un accompagnement personnalisé et sur-mesure pour s’adapter aux parcours de chaque personne. Ils recherchent l’«empowerment » : la capacité d’agir et de retrouver des projets personnels. Ils insistent beaucoup à remettent de l’humain et de l’accompagnement au centre pour que les personnes handicapées puissent se remettre en route. Au niveau de la société le but est d’accueillir la diversité. Accompagner quelqu’un vers l’inclusion est une démarche lourde et longue, les résistances culturelles, financières et politiques sont importantes.
Selon lui, les personnes atteintes de handicap ont un côté extraordinaire. Le handicap, pour lui, est synonyme de psychologie et philosophie. Il nous renvoie à la condition humaine et fait réfléchir. Ils rencontrent beaucoup de gens qui malgré leur handicap se sont relevés et c’est ce que rappelle le handicap, le fait qu’on peut se relever et continuer sa vie.
La société inclusive est de l’ordre de l’utopie. Cependant c’est une utopie qu’il faut vivre ensemble, elle nous motive. Il faut garder cette diversité de visions que l’on porte sur l’inclusion. Pour lui, l’éducation est la base et la meilleure éducation est la rencontre. Aujourd’hui on n’échange pas assez, on ne rencontre pas assez de différences et il y a une certaine méfiance qu’il faut casser. Il se demande si à l’école, les enfants échangent sur ce sujet et s’il y a assez de diversité pour favoriser les rencontres.