J'ai le bon profil - Conférence tour Guadeloupe
En présence d’Ophély Mézino, Miss Guadeloupe 2018 et Première Dauphine de Miss France 2019, Nadine Pélage, directrice d’établissements médico-sociaux, Fabrice Saint-Louis, chargé de mission handicap, paratriathlète et animateur d’émissions et Hélène Vainqueur-Christophe, députée de Guadeloupe, membre de la commission des Affaires sociales.
CONFÉRENCE POINTRE À PITRE GUADELOUPE
Le 26 septembre 2019
14ème étape de Conférence Tour de l’Agefiph, en partenariat avec Le Monde, animée par Francette Florimond, journaliste.
En présence d’Ophélie Mézino, Miss Guadeloupe 2018 et Première Dauphine de Miss France 2019, Joseph Blombo, directeur d’établissements médico-sociaux, directeur de l’Agipsah et délégué régional de l’union des entreprises adaptées, Fabrice Saint-Louis, chargé de mission handicap, paratriathlète et animateur de l’émission « Papiyon Volé » et Hélène Vainqueur-Christophe, députée de Guadeloupe et membre de la commission des Affaires sociales.
Francette Florimond introduit la conférence en rappelant que l’objectif d’aujourd’hui est de repérer ce qu’il faudrait faire pour que les personnes handicapées soient mieux incluses dans les entreprises de notre société.
Même si la situation est en progrès, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En décembre 2018, en Guadeloupe, 2 400 personnes handicapées sont inscrites en tant que « demandeuses d’emploi ». Soit 7% de plus que l’année précédente. Souvent, elles ont un niveau de qualification très bas et restent au chômage 288 jours de plus qu’un demandeur d’emploi « classique ». Cap Emploi a permis d’embaucher 175 personnes handicapées, à quatre personnes de créer leurs entreprises et six jeunes de rentrer en alternance. Francette Florimond reste néanmoins insatisfaite des résultats et insiste sur le fait qu’il faut mieux faire.
Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph, salue les participants de la conférence et rappelle l’importance des Conférences Tour qui permettent de réunir des partenaires d’entreprise, handicapés, institutionnels et opérationnels. Même s’il constate des progrès quant à l’insertion en Guadeloupe des personnes souffrant d’handicap en entreprise, l’enjeu reste fort. Le but de la conférence est de comprendre et d’identifier c’est qu’est « l’inclusion » en donnant la parole à tous. Il rappelle que cette notion découle des différentes lois mises en place sous la présidence de Jacques Chirac. L’objectif du Conférence Tour est de participer à la construction d’une société plus inclusive et de répondre à un défi sociétal dans un avenir proche aux côtés de ses partenaires, de l’État, de la région… Il reste beaucoup de sensibilisation à faire et de regards à changer. Dorénavant, c’est le potentiel des personnes atteintes de handicap qu’il faudra valoriser et non plus pointer du doigt leurs difficultés.
Alexis Turpin, délégué régional de l’Agefiph, ajoute un mot au constat sur l’insertion en Guadeloupe après avoir remercié les participants de leur présence. Selon lui, la situation n’est pas brillante lorsqu’on regarde les chiffres du chômage ; plus de 1 300 jours d’ancienneté au chômage, l’éloignement à l’emploi ne cesse de grandir. Mais il y a des signaux positifs ; par exemple le nombre d’entreprises qui emploient au moins une personne en situation de handicap augmente et le nombre d’entreprises au « quota zéro » diminue.
L’agefiph en région est située à Fort de France et se compose d’une équipe de 5 personnes. Il rappelle que c’est une offre d’intervention large et une expertise de trente années dont bénéficient les personnes handicapées. L’Agefiph travaille en fonction des attentes de l’entreprise et du bénéficiaire sur tout le territoire Guadeloupéen à l’aide des associations, des intervenants, des aides techniques et financières, des prestations… Son action se renforce grâce à deux collaborateurs qui se déplacent en entreprise pour apporter un accompagnement et des conseils personnalisés. Aujourd’hui on compte 45 entreprises clientes à l’Agefiph. Il annonce qu’une ressource « handicap - formation » sera mise en place pour faciliter l’entrée en formation des personnes atteintes de handicap. Sur le territoire, l’Agefiph collabore avec Pôle Emploi et d’autres pour développer des actions et projets qui s’adressent à toutes les tailles d’entreprise pour inciter à embaucher.
Francette Florimond passe la parole à Ophélie Mézino, qui a la particularité d’avoir été élevée par une mère sourde et un père malentendant. Après avoir salué les participants, elle explique être une E.P.S (enfant entendant de parents sourds) ayant vécu en Guadeloupe, à la Réunion mais aussi en métropole. Au cours de sa vie, elle a eu beaucoup de responsabilités dans le foyer familial dues aux problèmes d’inclusion de ses parents en société. Des responsabilités qui lui ont permis de devenir la femme qu’elle est aujourd’hui. Elle estime que certaines situations vécues ne sont pas normales, telle que la longue période de chômage qu’a subie sa mère. Elle relève aussi le manque d’interprètes professionnels en Guadeloupe, ce qui demande aux enfants de prendre le relais et d’accompagner leurs parents à tous types de rendez-vous. Selon elle, leur handicap étant invisible, personne ne se soucie de leurs problématiques.
Ophélie Mézino souhaite une évolution positive dans le milieu administratif, le milieu de la santé et le milieu scolaire en augmentant les formations d’interprète. Elle voudrait aussi un accès plus facile et possible à l’information et aux médias pour les personnes sourdes ou malentendantes. Son objectif est de faire découvrir la langue des signes et les problématiques que rencontrent les sourds et malentendants auprès de la communauté Guadeloupéenne.
Son histoire de vie l’a motivée à mettre en avant ces personnes en situation de handicap. Pour cela, elle s’appuie sur sa participation à Miss Monde pour partager son projet : la création d‘un foyer pour les sourds et malentendants de Guadeloupe afin qu’ils puissent se réunir pour échanger, se renseigner et se rencontrer. Pour elle, c’est le moyen de lutter contre l’exclusion à la société et la réponse à 20 ans de demandes concernent le projet de la part des Guadeloupéens.
Fabrice Saint-Louis est honoré d’assister à cette 14ème étape de Conférence Tour. Son témoignage rappelle à quel point le parcours de vie peut être compliqué pour une personne porteuse de handicap. Il est difficile pour elles d’exister en toute dignité et de s’insérer socialement, sportivement et professionnellement. Atteint d’une malformation congénitale des membres inférieurs et supérieurs (mains et pieds), le sportif remercie ses parents qui ont pensé qu’il méritait de suivre un parcours scolaire classique. Même si la structure publique lui a refusé l’entrée, il a pu suivre ses cours en école privée. Aujourd’hui il est fier de représenter la Guadeloupe dans le cadre des compétitions de triathlon, de trail et de nage en eau libre.
Fabrice Saint-Louis s’est construit en se disant que sa différence était une richesse. C’est devenu une conviction lorsqu’il a animé et présenté « Papiyon Volé », magazine sur le handicap, qui démontre des exemples de réussite scolaires, professionnelles, sociales et sportives. Selon lui, il faut changer les croyances et arrêter de penser que l’insertion d’une personne atteinte de handicap peut être une contrainte. Il faut évoluer dans la façon de regarder l’autre et considérer que cela peut être une valeur ajoutée. En lui donnant l’opportunité de montrer ce qu’elle vaut, il est certain que cette personne va réussir. Cela serait un grand pas vers l’acceptation de l’autre. Il est conscient qu’il est difficile pour chacun d’adopter un message intelligent au lieu d’un message de compassion. Cependant, il faut travailler sur l’idée que l’homme peut réussir malgré sa différence. Cela signifierait : installer dans nos schémas de croyances que la différence est une richesse et non un handicap.
Fabrice Saint-Louis rappelle que les dispositifs existent. Ainsi, il ne reste plus qu’à les améliorer et à tendre la main à ceux qui ont envie d’accompagner cette communauté de personnes en situation de handicap. Une communauté victime d’exclusion sociale, professionnelle et sportive qui particulièrement touchées par les RPS (risques psycho-sociaux).
Malgré son handicap physique, il s’est adapté, dans son quotidien, à l’inaccessibilité de la société. Il accepte les difficultés qu’il peut rencontrer à cause de sa malformation. Mais explique qu’une amélioration quant à l’accessibilité accompagnée d’une adaptation en matière d’aménagement peut répondre au manque d’autonomie de la part d’une personne en situation d’handicap. Ce manque d’autonomie participe à la dévalorisation de ses capacités. Grâce à cette amélioration, le regard de l’autre pourra changer parce que cette personne en difficulté n’aura pas besoin d’aide de la part d’un tiers. Avant on cachait les personnes en situation d’handicap, de ce fait, il comprend qu’il est difficile aujourd’hui de faire comprendre que les personnes en situation de handicap sont comme tout le monde. Il déplore le haut niveau d’exclusion sociale lors de l’entretien d’embauche et souhaite que les recruteurs soient à l’écoute des capacités d’une personne en situation d’handicap. Il retire de son expérience de vie, une force de résilience et reste convaincu qu’il ne reste plus qu’à pousser le curseur du « bien faire ensemble ».
Francette Florimond remercie les précédents témoignages à cœur ouvert et passe la parole à Hélène Vainqueur-Christophe. La députée de Guadeloupe confie que ces témoignages, loin de textes de l’Assemblée et du Sénat, l’ont mis en contact avec la réalité. Selon elle, la difficulté des législateurs est d’adapter la loi à la réalité. Elle rappelle la loi du 11 février 2005, qui a réformé la politique du handicap. Cette loi très ambitieuse couvre tous les aspects de la vie des personnes handicapées quels que soit leurs âges. Le plus important à son sens est le changement de philosophie de celle-ci. En 1975, on mesurait la déficience mentale des personnes, aujourd’hui on évalue leurs potentielles capacités à s’adapter. C’est une loi qui repose sur quatre piliers fondamentaux : la compensation du handicap, la scolarisation des enfants porteurs de handicap, la formation et l’emploi des personnes handicapées et l’accessibilité du public notamment du transport et de la voirie. Les décisions mises en place pour réponde à ces piliers ont permis de nombreux changements et adaptations.
Elle raconte que lorsqu’elle était elle-même employeur, elle avait des difficultés à réaliser les démarches administratives pour accueillir des salariés atteints de handicap. Si ces démarches ne sont pas simplifiées, elles resteront une contrainte à l’embauche qui ne simplifie pas l’inclusion.
Quinze ans après la loi de 2005, la responsabilité des parlementaires est de pousser la modernisation de notre droit. Cette nécessité d’adapter et de moderniser cette loi est légitimée par les données statistiques : le nombre d’allocataires handicapés a doublé entre 1990 et 2017, plus d’un million de personnes en France en bénéficient. La majorité des personnes porteuses de handicap constate une réduction de leur droit, par exemple la PCH (loi finance 2019) est largement insuffisante dans son montant et son périmètre. Ces personnes sont souvent en situation de rupture de droit. La MDPH de Guadeloupe est de plus en plus fragilisée, l’activité est très importante et les délais de traitement très long. On observe un manque de suivi des décisions et un manque de moyens pour traiter les demandes qui se définissent comme un « parcours du combattant » pour le porteur de handicap. Aussi, on estime en France hexagone 22 000 enfants non scolarisés. En Guadeloupe, on en compte beaucoup à cause du manque de moyens des collectivités.
Selon elle, au lieu d’essayer d’inclure à tout prix les personnes atteintes de handicap, il faut instaurer des mesures pour ne pas les exclure. Pour rendre au maximum l’accessibilité aux différents métiers, il faut que notre société arrive à valoriser les capacités des personnes atteintes de handicap en regardant non pas ce qu’elles ne peuvent pas faire mais ce qu’elles savent faire. La politique actuelle a permis de nombreuses avancées et nous possédons des éléments pour proliférer une véritable loi qui puisse aller plus loin que la loi de 2005 dans le cadre de l’inclusion dans la vie en général. Ce pourquoi elle espère que les prochains textes de loi seront axés sur la simplification des démarches. Il faut changer le regard, ne plus parler de handicap mais d’adaptation pour un public particulier et considérer la personne porteuse de handicap comme une personne lambda. Cela passe par l’information et la sensibilisation.
Joseph Blombo est le directeur de l’Agipsah (association guadeloupéenne de l’insertion professionnelle et sociale des adultes handicapés) qui possède sept établissements médicaux sociaux (ESAT) accueillant 578 personnes et gère aussi une entreprise adaptée. C’est le porteur actuel, avec le gouvernement, de la réforme sur l’entreprise adaptée. Dans le secteur Guadeloupéen, les établissements et associations présents, pour permettre la promotion des personnes en situation de handicap, ont une lourde charge. En effet, il faut trouver des opportunités d’insertion pour les personnes qui fréquentent ces établissements. Le but premier est d’assurer l’insertion en milieu ordinaire de travail.
Il est conscient qu’on ne peut pas insérer tout le monde. Cependant, pour les personnes qui peuvent prétendre entrer en entreprise, l’établissement va cultiver et valoriser leurs acquis qu’elles font valoir grâce au dispositif de reconnaissance des acquis d’expérience. Les établissements médicaux sociaux travaillent avec de plus en plus d’entreprises mais beaucoup d’autres ne les connaissent pas. Le relais de l’Agefiph et Cap Emploi aide l’association à être reconnue.
Les insertions dans le monde professionnel sont rares par année. Il faut faire tomber les préjugés. Il sait que les recruteurs ne pensent pas directement aux personnes atteintes de handicap lorsqu’ils veulent recruter. Pourtant, il insiste sur le fait que ce sont des personnes consciencieuses qui, de par leur parcours de vie, ont envie de bien faire. L’objectif des ESAT est de tisser un lien privilégié avec les entreprises. Il explique que les entreprises adaptées prennent le risque d’embaucher ces personnes en situation de handicap car leur objectif est de diversifier les profils.
Avec l’Agefiph et le réseau Cap Emploi et d’autres associations nationales, l’UNEA a signé sur la période de 2019 à 2022 la création de 40 000 mises en emploi sur tout le national. Pour cela, trois expérimentations sont mises en place : les CDD tremplins, la création d’une entreprise adaptée de travail temporaire (ATT) et l’entreprise pro inclusive (les décrets devront paraître en 2020). Pour atteindre cet objectif, il faut faire de l’information et sensibiliser. Pour que les choses changent il faut être audacieux et innover dans les dispositifs.
Francette Florimond conclue sur le fait qu’il faut coopérer si l’on veut évoluer.
Didier Eyssartier, remercie ces prises de paroles et rebondi sur les termes « innovation » et « engagement ». La semaine européenne des handicapés approche et c’est l’occasion de mettre en visibilité et en valeur ce qui peut être fait et ce qui est déjà fait. Le slogan « Activateur de progrès » est une opération qui rassemble les acteurs qui agissent en faveur de l’emploi des personnes atteintes de handicap.