J'ai le bon profil - Conférence tour Aix-en-provence
En présence de Lucie Bertrand-Luthereau, Agrégée et Docteure en Lettres, Sciences Po Aix, de Fabrice Chanut, co-créateur, co-auteur et réalisateur pour la série « Vestiaires », d'Eric Minh Cuong Castaing, chorégraphe et artiste visuel au Ballet national de Marseille, d'Anne-Marie Perez, directrice générale de Capenergies et d'Isabelle Richez, coach chez Avencod.
CONFÉRENCE AIX-EN-PROVENCE
Le 11 décembre 2018
Cette septième étape du Conférence Tour organisée par l’Agefiph en partenariat avec Le Monde, est animée par Gilles ROF, Journaliste au Monde.
Avec la présence de Lucie BERTRAND-LUTHEREAU, Agrégée et Docteure en Lettres, Sciences Po Aix, de Fabrice CHANUT, co-créateur, co-auteur et réalisateur pour la série « Vestiaires », d'Eric MINH CUONG CASTAING, chorégraphe et artiste visuel au Ballet national de Marseille, d'Anne-Marie PEREZ, directrice générale de CAPENERGIES et d'Isabelle RICHEZ, coach chez AVENCOD.
Introduction par Didier EYSSARTIER, Directeur Général de l’Agefiph, qui explique le choix de se rendre dans toutes les régions de France pour donner la parole à tout le monde et de réunir les différents acteurs ; et ainsi accepter de prendre de nouveaux regards à chacune des conférences pour construire la société de demain toujours plus inclusive et regarder toujours plus loin.
Il y a une réelle volonté d’essayer de trouver comment améliorer les services et en trouver de nouveaux dans le but d’améliorer la réponse aux personnes handicapées.
Déléguée régionale PACA-CORSE, Patricia MARENCO, travaille depuis 20 ans dans l’insertion et dans le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap. Ces années lui permettent d’avoir suffisamment de recul sur les différentes évolutions.
Il y a 20 ans, le secteur du médico-social et celui de l’insertion milieu ordinaire étaient complètement cloisonnés. C’était véritablement deux mondes à part.
Lorsque l’on parlait de formation professionnelle pour les personnes handicapées, la réponse était que des dispositifs spécifiques : le Cap Emploi, qui portait un autre nom à l’époque, ne connaissait pas l’offre de formation du conseil régional. Et ce dernier ne connaissait pas du tout les acteurs qui intervenaient sur l’insertion de ces personnes handicapées.
Il y a 20 ans, on observait les modalités des entreprises pour satisfaire leur obligation d’emploi : + de 35% ne menaient aucune actions positives. Aujourd’hui elles ne sont plus que 8 % à ne rien faire et 52 % satisfont à leur obligation d’emploi. Il y a une réelle dynamique qui s’instaure et de plus en plus d’entreprises prennent en considération leur politique handicap, notamment dans leur politique RSE ou dans la qualité de vie au travail.
Aujourd’hui, si on regarde la formation professionnelle, et notamment au travers des partenariats qui ont été noués avec la région, avec Pôle emploi, avec l’État ; les travailleurs handicapés sont pris en considération dans les formations de droit commun. C’est d’ailleurs un public cible et privilégié dans les nouveaux programmes Investissements Compétences.
Il y a donc beaucoup de choses qui ont été faites. On progresse, peut-être trop doucement, c’est parfois frustrant, mais on progresse. Et tout cela grâce à l’ensemble des actions qui ont été menées à la fois par les institutions, par les opérateurs, par les associations.
Néanmoins, si on lit le dernier rapport des défenseurs des droits, le handicap est la première cause de discrimination à l’emploi. Notre société a donc tout de même encore beaucoup de chemin à parcourir pour être plus inclusive : c’est le projet du gouvernement qui est porté par Sophie CLUZEL qui se traduit dans différents textes législatifs et réglementaires (notamment la dernière loi sur « choisir son avenir professionnel » qui révise les modalités d’emploi).
Le défi d’aujourd’hui est donc d’aboutir à une inclusion réellement réussie des personnes en situation de handicap.
Selon Lucie BERTRAND-LUTHEREAU, la notion d’inclusion est important pour commencer à intégrer ce concept dans la société. Le problème est que ces concepts deviennent petit à petit des mots boucliers derrière lesquels on se cache ; on ne fouille plus ce qu’il y a derrière, et on ne créé plus de liens.
Selon Anne-Marie PEREZ, le terme inclusion englobe l’inclusion et les normes même si on en comprend la finalité. Pour mieux travailler tous ensemble en entreprise et dans la société, il faut une volonté personnelle ; un engagement personnel et collectif. Il faut avoir envie et dialoguer pour ainsi ne pas projeter des idées sur l’autre. Facilité l’inclusion des personnes en situation de handicap, c’est ce que les salariés attendent car nous sommes tous différents et c’est cela qui créé de la richesse.
On peut également ajouter à l’inclusion, la notion de pluralité ; le fait de pouvoir intégrer une entreprise à plusieurs lorsque l’on est autiste, par exemple, permet d’intégrer leur propre système et de se monter vers le haut entre eux avec une personne autiste également pour les diriger et créer le lien avec le reste de l’entreprise, comme en témoigne Isabelle RICHEZ atteinte d’autisme asperger. Ce qui est important est le vivre ensemble et ainsi trouver des passerelles entre les employés, les entreprises et les différents acteurs.
Lucie BERTRAND-LUTHEREAU ajoute que les entreprises sont très normées et constituent de grandes moulinettes à individualités. Nous sommes beaucoup à devoir abandonner notre spécificité en passant les portes d’une entreprise pour ainsi se fondre dans la norme. La définition de cette dernière n’est autre que l’habitude du regard et le monde du travail est fondé sur cette habitude.
Il serait intéressant de passer à des sociétés permaculturelles qui reprend le système de la nature qui fait son travail et s’adapte automatiquement sans l’aide d’humains. Les entreprises devraient se rendre compte du pouvoir des individualités des uns qui peuvent se combiner avec celles des autres et ainsi créer des systèmes parfaitement optimisés.
Pour pouvoir dégager de la performance, de la richesse, de la valeur, il est primordial d’avoir de la diversité qui est créée grâce aux personnes qui la composent et les individualités de ces personnes.
En France, nous avons un réel besoin de développer cette diversité et cette place du regard pour sortir du côté normatif.
Anne-Marie PEREZ, directrice générale de CAPENERGIES, nous parle du projet HUGO pour en expliquer son but principal. Ce projet est né d’une volonté d’une quinzaine de personnes qui avaient une mission de référent handicap dans leur entreprise et qui ont cherché ce qu’ils pourraient faire pour améliorer la situation. La plupart de ces entreprises étaient dans le secteur de l’informatique, où la demande y est croissante. Ils ont donc décidé de créer une formation BAC +5 pour permettre à des personnes en situation de handicap d’aller vers des diplômes, principalement en informatique. Aujourd’hui, très peu de personnes handicapées arrivent à ce niveau d’études.
Ils ont rencontré l’Agefiph qui les a orientés vers le pôle de compétitivité Cap énergie, pour faire évoluer le projet avec toujours cette volonté d’accompagner les entreprises qui développent des innovations et de les accompagner vers des politiques de RSE.
Dans la première promotion, se terminant en Janvier 2019, il y a environ la moitié qui a déjà trouvé un emploi pour la suite, sur douze personnes. Pour les autres, Le programme HUgo continuera de les accompagner.
Cela permet aux entreprises de s’adosser à un écosystème.
Nous devons former les personnes des entreprises, à recevoir des personnes en situation de handicap et ainsi casser les peurs des individus mais également des dirigeants. 63% des chefs d’entreprises estiment qu’il est difficile d’intégrer une personne en situation de handicap ; chiffre cependant en baisse.
Dans la région PACA-CORSE, 43 000 personnes handicapées sont à la recherche d’un emploi.
Associé au bal national de Marseille, Eric MINH CUONG CASTAING, nous raconte son expérience au centre SAINTE THYS.
Le festival de Marseille l’a invité à donner des ateliers au sein de ce centre. Le premier jour, il a été repoussé par ce milieu plutôt médical qui a son propre univers et ses propres codes. Dès le lendemain, il a commencé à travailler, avec les enfants de 7 à 11 ans ayant des troubles moteurs physique, sur une chorégraphie que l’on appelle une danse d’Aura : imaginer qu’il y a une couche d’air autour du corps et que vous allez bouger avec. C’est une expérience émouvante : chacun de ces enfants, avec des pathologies différentes, a une vision du monde et une sensibilité différente.
A l’heure où la société est à l’innovation, les personnes handicapées cherchent simplement à être rassurées. Il est donc important d’innover tout en s’assurant de pouvoir offrir les besoins primaires à ces personnes (avoir un travail, fonder une famille, …).
La série Vestiaire, co-créée par Fabrice CHANUT est de faire foisonner le sujet du handicap en rendant le handicap visible pour lui permettre d’être intégré par tous et ainsi qu’on finisse par ne plus le voir au sein de la société.
En résumé, il faut mettre de la beauté dans le handicap et il est nécessaire d’oser pour faire bouger la question de l’inclusion des personnes en situation de handicap.