« Entreprises : osez recruter des salariés atteints de maladie psychique ! »
La bipolarité est une maladie psychique mal connue. Les préjugés freinent l’insertion professionnelle des personnes touchées. Pourtant, il existe des solutions pour les aider à trouver leur place en entreprise et à s’y épanouir. Un accompagnement adapté peut aussi être proposé aux employeurs. Les explications de Denis Tondut, jobcoach en emploi accompagné pour l’association PEP71.
Que sont les troubles bipolaires et leur incidence sur l’emploi ?
« La bipolarité est une maladie psychique caractérisée par l’alternance de phases maniaques et hypomaniaques (dépressives). En phase maniaque, le salarié atteint de troubles bipolaires peut se montrer agité, plus bavard qu’à l’accoutumée, tenir des propos parfois déconcertants pour l’entourage professionnel.
A contrario, lors des phases dépressives, une personne bipolaire peut sembler éteinte, renfermée et peu ouverte à la communication, elle n’est parfois plus en capacité de se lever pour venir travailler, ni même de prévenir l’entreprise. Ces absences répétées peuvent être interprétées à tort par l’employeur comme un manque de motivation et conduire à un licenciement. Difficultés de concentration, de mémorisation, de relation à l’autre, fatigabilité plus importante sont également des effets de la bipolarité. Mais, si la personne prend son traitement et est stabilisée, l’insertion professionnelle fonctionne. Bien suivie, cette maladie psychique n’empêche pas l’accès ni le maintien dans l’emploi. Les personnes peuvent se révéler au travail, s’y accomplir et s’y épanouir !
Comment la bipolarité est-elle perçue par les employeurs et collègues de travail ?
La bipolarité, et la maladie psychique en général, font peur. Je me souviens de la remarque d’un responsable de service de restauration à propos d’un jeune homme bipolaire qui souhaitait travailler en cuisine : « Mais vous avez le droit de proposer ce type de poste ? Il y a quand même des couteaux partout ici, ça pourrait être dangereux ! ». Il y a aussi la crainte de l’absentéisme, celle de ne pas pouvoir compter sur son salarié au quotidien. La lutte contre les préjugés est importante. Quand la maladie psychique est expliquée aux collègues de travail, cela se passe bien.
Les entreprises doivent oser recruter et maintenir en emploi des personnes atteintes de maladie psychique car il existe des solutions d’accompagnement qui fonctionnent ! Ce sont des personnes ayant un parcours de vie souvent chaotique, mais qui ont aussi une grande capacité de résilience, qui s’impliquent au sein des entreprises qui les soutiennent et leur font confiance. Et puis on le rappelle souvent : les troubles psychiques peuvent toucher tout le monde à un moment donné.
Quel accompagnement peut être mis en place en entreprise ?
Les aménagements sont surtout humains et organisationnels. Il est possible de proposer une sensibilisation au handicap psychique en entreprise. Selon ce que le salarié souhaite dévoiler ou pas, raconter de son parcours, de l’incidence de sa maladie sur son quotidien de travail.
On peut aménager les horaires, lui proposer de s’installer seul dans un bureau pour limiter les perturbations sensorielles, découper certaines tâches.
L’idéal est aussi de mettre en place un tutorat au sein de l’entreprise et un accompagnement dédié comme le propose l’emploi accompagné qui permet l’intervention d’un professionnel spécialement formé à cette typologie de handicap au sein de l’entreprise et auprès du salarié. Nous sommes aussi en lien avec le médecin ou le psychiatre, et si besoin avec l’entourage du travailleur handicapé. Quand le salarié ne dévoile pas son handicap et ses répercussions, ou ne souhaite pas être accompagné en entreprise, cela ne fonctionne pas longtemps. La Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est importante car elle permet d’obtenir des aides permettant la prise en charge de certaines compensations. Des aides à l’embauche, à la formation du tuteur au sein de l’entreprise, etc. il ne faut donc pas hésiter à en parler et à se faire accompagner.
Quelles sont les personnes ressources que l'employeur peut solliciter pour recruter ?
L’Agefiph pour toutes les aides financières et l’accompagnement du salarié et de l’employeur. Il ne faut pas hésiter à contacter aussi les conseillers Cap emploi, demander à bénéficier du dispositif emploi accompagné, entièrement gratuit pour le salarié et pour l’entreprise et sans limite de durée. Le médecin du travail peut être aussi un bon interlocuteur. »