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Bourgogne-Franche-Comté

Comprendre le handicap psychique pour bien accompagner son collaborateur

Journée mondiale des troubles bipolaires le 30 mars oui la dépression est une maladie

La maladie psychique se définit par des changements qui affectent la pensée, l'humeur ou le comportement d'une personne, et qui lui causent de la détresse ou de la souffrance. Le handicap psychique est la conséquence d'une maladie psychique. Il n'affecte pas directement les capacités intellectuelles mais leur mise en œuvre.

Ainsi, à l’origine du handicap psychique on retrouve des maladies connues du grand public mais souffrant d’une image très dégradée : les troubles bipolaires, la dépression, la schizophrénie…

Des études antérieures à la pandémie actuelle prévoyaient qu’une personne sur trois serait un jour touchée par des troubles de santé mentale dans sa vie.

Il s'agit de la 2ème cause d’arrêt de travail en France; 2 500 000 français sont touchés chaque année par la dépression. 

 

Rencontre avec Etienne GIROD, chef de services Emploi accompagné et Prestations d'Appui Spécifiques handicap psychique.

 

  •  Parlez-nous de votre mission en quelques mots

Depuis de nombreuses années les PEP 71 se sont spécialisés dans l’accompagnement médico-social de personnes en situation de handicap psychique, en développant notamment des ESAT dédiés à cette typologie de public.

Au sein de cette structure je suis chef d’un Service d’Aide par le Travail, qui se spécialise dans l’accompagnement de personnes porteuses de troubles psychiques vers et dans l’emploi en milieu ordinaire de travail. Ce service porte notamment les Prestations d’Appui Spécifique handicap psychique, le Dispositif Emploi Accompagné, ainsi que des actions expérimentales pour accompagner des personnes dans l’acceptation de leurs troubles psychiques.

Le principe fondateur de l’ensemble de nos interventions est d’être persuadé que le travail en milieu ordinaire peut participer au rétablissement de la personne, ne serait-ce qu’en lui permettant de retrouver un cadre de vie structuré et des relations sociales.

Je suis également chef de service d’une structure autonome, le PDIP 71, qui a pour vocation d’intervenir auprès de l’ensemble des ESAT, IME, ITEP et SESSAD du département pour accompagner les bénéficiaires de ces établissements souhaitant s’insérer en milieu ordinaire de travail.

 

  • Quand les personnes que vous rencontrez sont dans la vie active, quelles sont les principales questions qu’elles se posent ? Que craignent-elles le plus ?

La question revenant systématiquement pour les personnes en situation de handicap psychique quand elle rentre dans nos dispositifs d’accompagnement est de savoir s’il faut parler de sa maladie et comment l’aborder.

La maladie psychique reste malheureusement trop méconnue en France, et véhicule énormément de préjugés très négatifs.

 

  • A quoi les personnes sont-elles le plus souvent confrontées sur le plan professionnel ?

Du fait d’un manque de connaissance et d’éclairage sur les répercussions du handicap dont elles sont porteuses, elles sont malheureusement trop souvent confrontées à une mise à l’écart et à une stigmatisation.

La maladie psychique s’accompagne généralement de troubles associés comme des difficultés à comprendre beaucoup de consignes, une certaine lenteur dans l’exécution des tâches ou encore, et c’est l’élément principal, une grande difficulté à se sociabiliser avec les collègues.

Dès lors, ces comportements « atypiques », s’ils ne sont pas expliqués au collectif de travail, peuvent générer une mise à l’écart progressive, qui ne fera qu’empirer l’état psychique de la personne, conduisant généralement soit à des arrêts maladie répétés, soit à la fin du contrat de travail (démission ou licenciement pour inaptitude).

 

  • Quels sont les trois principaux conseils que vous pourriez donner aux employeurs ?

Le premier conseil s’applique à toutes les situations : développer une nécessaire bienveillance dans les modalités de management des salariés. Il faut absolument permettre aux salariés d’exprimer leurs souffrances et leurs difficultés personnelles. Pour cela il faut garder en tête que les personnes ne font pas exprès d’être atypiques.

Le deuxième conseil est d’être sensibilisé à la problématique, et de sensibiliser l’ensemble de son collectif de travail (a minima ses cadres intermédiaires). Comprendre la spécificité de fonctionnement de l’autre peut amener à éviter bien des difficultés au sein d’un collectif de travail, ainsi que prévenir bon nombre d’arrêts maladie.

Le troisième conseil est de ne pas avoir peur d’embaucher une personne en situation de handicap psychique. En effet, si cette dernière parvient à être suffisamment au clair avec sa maladie et à parler ouvertement des répercussions, elle montrera une motivation et une réelle volonté de bien faire à son poste qui permettront de gommer toutes les difficultés annexes ! Dans ce cadre les employeurs ont un vrai rôle à jouer pour participer au rétablissement des personnes. Des services existent pour vous appuyer dans ce travail (PAS psychique et Dispositif Emploi Accompagné notamment), renseignez-vous auprès de votre Délégation Régionale Agefiph.

 

  • Quel est votre plus belle réussite ?

Il est difficile de ne ressortir qu’un exemple de réussite parmi l’ensemble des personnes que nous pouvons accompagner.

Cependant, si je ne devais retenir qu’un exemple significatif, ce serait celui-ci : Audrey (le prénom a été changé), souffrant de schizophrénie depuis l’adolescence, était employée dans une grande surface depuis plusieurs années et avait jusque là plutôt réussie à cacher son handicap à ses collègues malgré de nombreux arrêts maladie pour cause d’hospitalisation. Un jour elle s’est retrouvée prise de bouffées délirantes et s’est enfermée dans la réserve du magasin en tenant des propos mystiques et incohérents. Ses collègues ont réussi à la faire sortir et l’ont laissé prendre son véhicule. Elle s’est alors rendue au CHS seule, en adoptant une conduite extrêmement dangereuse (elle ne se souvient aujourd’hui plus vraiment du trajet en voiture).

Suite à cet événement elle n’a pas eu d’autre choix que de faire état de ses problématiques à son employeur. Ce dernier nous a alors sollicité dans le cadre du Dispositif Emploi Accompagné. Son conseiller a alors travaillé avec elle à nouer une relation de confiance, pour qu’elle puisse lui faire état de l’ensemble de ses difficultés, mais surtout de sa connaissance de la maladie et des signaux avant-coureurs des états de crise. Ils ont alors travaillé à une action de sensibilisation du collectif de travail, pour expliquer la maladie d’Audrey. Ils ont également travaillé à une charte établie entre Audrey, son employeur et le conseiller emploi accompagné, afin notamment de préciser que dès que l’un ou l’autre s’aperçoit de l’émergence de signes avant-coureurs, il appelle le conseiller emploi accompagné qui interviendra dans la demi-journée pour juger de l’état psychique d’Audrey.

Depuis la mise en place de cette intervention, Audrey n’a plus jamais connu le moindre arrêt maladie lié à sa maladie psychique, bien aidée par ses collègues qui l’aident à détecter des signes de mal être.

 

  • Le mot de la fin 

Je le répète à nouveau, il est essentiel de sensibiliser largement au handicap psychique, pour déstigmatiser la représentation que l’on peut en avoir. Malheureusement il est à craindre que la crise sanitaire ne développe massivement des troubles psychiques au sein de la population, il est donc plus que jamais urgent de se former et de comprendre les premiers symptômes de façon préventive.

Nous sommes d’ailleurs, au sein des PEP 71, en train de développer une gamme de produits permettant la sensibilisation des salariés, allant d’un jeu de société que nous venons animer, à des actions de formation des managers. 

 

Publié le 22 mars 2021